Nous sommes en train d’assister à d’importantes frictions au sein de l’establishment britannique. Leur expression publique est la guerre politique qui fait rage entre la coterie du Premier ministre Tony Blair et le réfractaire du Parti travailliste Ken Livingston. Le 6 mars, ce dernier a annoncé qu’il allait s’opposer au « New Labour » de Blair et se présenter comme indépendant au poste de maire de Londres aux élections du 4 mai.
L’annonce de Livingston, qui a semé terreur et panique au 10 Downing Street, représente le plus difficile défi lancé à Blair depuis ses débuts de Premier ministre le 1er mai 1997. Son entourage a réagi avec fureur, recourant à des pouvoirs spéciaux pour que Livingston, membre du Parti travailliste depuis trente et un ans, soit suspendu du Parti. Blair en personne a réagi en déclarant que Livingston ferait un maire désastreux. Toutefois, à la consternation des blairistes, les attaques contre Livingston ont déclenché un retour de flammes et n’ont fait qu’accroître le soutien dont il bénéficie, non seulement à Londres mais dans tout le pays. De bonne source à la City de Londres, nous avons appris le 7 mars que ce défi « est probablement le début de la fin pour Tony Blair, surtout si Livingston l’emporte le 4 mai. Nombre de personnes influentes à Londres nous ont confié qu’un tel résultat est « presque inévitable ».
Cependant, ce ne sont pas les vertus personnelles de Livingston qui lui valent ce soutien. Sa carrière politique « gauchiste » est en fait plutôt douteuse à bien des égards, mais il est devenu le point de ralliement des mécontents de la politique de Blair, au sein du Parti travailliste comme ailleurs. Il est soutenu avant tout parce qu’il s’est prononcé pour des politiques travaillistes traditionnelles, comme l’opposition à la privatisation des chemins de fer, et aux plans de Blair visant à privatiser le métro londonien, qui sont inspirés des méthodes thatchériennes. C’est une question très sensible à Londres, surtout après l’accident de début octobre 1999 à la gare de Paddington.
Livingston a aussi fait valoir le fait que le processus de sélection du candidat au poste de maire de Londres au sein du Parti travailliste avait été brutalement truqué. L’homme de Blair, l’ancien ministre Frank Dobson, a été proclamé vainqueur à la suite d’un processus de sélection compliqué et bizarre, bien que Lingston ait reçu trois fois plus de voix que lui. Maintenant, Dobson est battu par Livingston dans tous les sondages d’opinion auprès des électeurs travaillistes. Le 7 mars, à un débat de la London Scholl of Economics, considéré comme un bastion de Blair, Dobson a été hué lorsqu’il a été présenté comme le « candidat préféré de Blair », alors que Livingston était ovationné.
Le défi de Livingston, tout en engrangeant un large soutien, reflète une scission au plus haut niveau de l’oligarchie britannique. Il est évident que de puissants éléments de la structure oligarchique ont décidé de laisser tomber Blair et utilisent le « facteur Livingston » pour obtenir ce résultat.