Voici le titre pour le moins étonnant du colloque international organisé au ministère français des Finances, le 30 mars dernier, par les anciens élèves de l’ENA, de HEC et de Polytechnique. Près de 25 orateurs se sont succédés pour traiter de l’état actuel du capitalisme, et non des moindres. Des grands patrons de banques tels Jean Peyrelevade, ancien PDG du Crédit Lyonnais, ou Philippe Lagayette, président en exercice de JP Morgan France, y côtoyaient ceux des grands groupes tels Jean-Paul Bailly, de La Poste, Jean Cyril Spinetta, du Groupe Air France KLM, ou encore Denis Ranque, de Thales. Pour débattre avec eux, il y avait également des analystes et des économistes, tels Edouard Tétreau, de Mediafin, ou Jean-Luc Gréau, ancien économiste du patronat. Il y avait enfin ceux qui venaient témoigner des situations sociales particulièrement difficiles créées par la mondialisation financière, comme Martin Hirsch, président d’Emmaus France, ou Patrick Viveret, philosophe et auteur du rapport « Reconsidérer la richesse ». L’invitation à la conférence rentrait déjà dans le vif du sujet. « Certes, le capitalisme crée des richesses », mais il y a des « lacunes ».
Parmi elles, le manque d’équité du partage des profits exceptionnels de grands groupes, « le trouble sur le respect des règles du jeu » mis en évidence par des scandales comme Enron et par la « montée en puissance des fonds spéculatifs », la montée des inégalités entre riches et pauvres, et entre pays riches et pays pauvres. L’invitation concluait : « Après les coups de tonnerre, quelles nouvelles explosions faut-il prévoir ? L’implosion du système est-elle amorcée ? » Les débats furent particulièrement vifs entre ceux qui, comme Philippe Lagayette ou Alain Leclerc, président de l’Association française de la gestion financière, défendaient l’idée que « tout allait bien » et d’autres qui ont décrié un capitalisme devenu fou. Ainsi, répondant à Philippe Lagayette pour qui l’économie mondiale va bien car elle a un taux de croissance de 3,6 %, à peine supérieur à celui de l’Europe, Jean-Luc Gréau a rétorqué que tout le monde sait que cette croissance est limitée à l’Asie et que l’Europe n’a pas embrayé là-dessus. Il a montré aussi que depuis deux ans, il n’y a pas eu d’augmentation réelle du pouvoir d’achat dans les pays du secteur avancé, et qu’elle a même été négative en Allemagne et aux Etats-Unis en 2005. Edouard Tetréau a été particulièrement virulent.
A la question de savoir si le capitalisme actuel a un avenir, il a répondu par « trois lettres : non », d’abord parce qu’il ne prétend pas bâtir un avenir, mais vit du présent et surtout du passé. A un étudiant qui suggérait de responsabiliser les actionnaires « zappeurs », en leur donnant plus de pouvoir au sein des conseils d’administration, Tétreau a répondu qu’il fallait, au contraire, ôter tout pouvoir à ces actionnaires à la recherche de gros profits, qui quittent les entreprises six mois après leur arrivée pour trouver encore plus gros ailleurs. Martin Hirsh et Patrick Viveret ont tous deux évoqué l’apparition dramatique de pauvres d’un nouveau style, qui travaillent à plein temps mais n’arrivent pas à se payer un logement, tellement la spéculation immobilière a fait augmenter les loyers. 30 % des SDF seraient dans cette situation ! Pour conclure, notons cependant l’absence totale de proposition de changement, la plupart des orateurs se contentant de suggérer des palliatifs, tels que la participation, pour résoudre une situation qu’ils décrivent eux-mêmes comme étant dramatique.