Dans un discours prononcé lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de la Réunion Europe-Asie (ASEM) à Pékin le 24 mai, le président chinois Jiang Zemin a appelé à la création d’une « nouvelle route de la soie » entre l’Asie et l’Europe, « pour relancer activement les échanges entre ces deux civilisations au cours de ce nouveau siècle ». Ce discours est l’un des nombreux éléments indiquant la volonté de certains pays eurasiatiques de renforcer leur coopération économique, politique et stratégique avec l’Europe, dans le but de contrer la politique désastreuse de l’administration Bush.
Les peuples d’Asie et d’Europe « ont fait des contributions irréversibles à l’avancement de la civilisation humaine et à la promotion de la paix mondiale et du développement, a déclaré Jiang. (...) [Actuellement], l’ordre politique et économique international injuste et irrationnel reste inchangé. (...) Ce sera un voyage long et difficile pour arriver à une paix durable et au développement de l’humanité. (...) L’ASEM devrait devenir l’un des principaux canaux d’échanges entre les civilisations orientale et occidentale. L’Asie et l’Europe sont des berceaux de civilisations humaines et ont été longtemps associées l’une à l’autre. L’ancienne route de la soie, un important passage entre les civilisations asiatiques et européennes, joua un rôle unique dans les échanges entre les civilisations orientale et occidentale. L’ASEM devrait construire une nouvelle route de la soie pour accroître les échanges entre ces deux civilisations dans le siècle à venir. »
Un bon exemple de la coopération eurasiatique est fourni par le projet germano-chinois de construction du premier train à lévitation magnétique (maglev) en Chine. La première section de ce projet est en construction à Shanghaï et avance à un rythme qui surprend même les participants allemands, Thyssen-Krupp et le ministère des Transports. Les Chinois ont clairement laissé entendre qu’ils voudraient étendre le projet au-delà de la ligne actuellement prévue reliant Shanghaï et son aéroport Pudong : ils envisagent la mise en place d’une ligne maglev de 1300 km de long reliant Shanghaï, le premier centre industriel chinois, à la capitale Pékin. La Chine a déjà créé un « état-major » pour ce projet qui transformerait profondément le transport mondial.
Du 19 au 26 mai, le ministre allemand des Transports, Kurt Bodewig, et le PDG de Thyssen-Krupp, Ekkehard Schulz, se sont rendus en Chine. Au cours de leur entrevue avec le Premier ministre Zhu Rongji, celui-ci leur a dit que la question de l’investissement dans la ligne Shanghaï-Pékin serait décidée en considération des résultats de la ligne Shanghaï-Pudong. Bodewig a signé un mémorandum d’accord avec la partie chinoise concernant le partage du savoir-faire en matière de lignes maglev commerciales en Chine et en Allemagne, où de nombreux projets sont en discussion. Schulz a déclaré que l’on s’acheminait vers le transfert de la technologie allemande du Transrapid vers d’autres pays, au moyen de joint ventures. Le ministre chinois de la Science et de la Technologie, Xu Guanghua, a aussi appelé à une large participation chinoise dans la construction du projet Pékin-Shanghaï, y compris pour réduire les coûts, estimés à 50 milliards de marks.
De même le 23 mai, cette fois-ci à Berlin, le ministre allemand des Finances, Hans Eichel, a rencontré son homologue chinois Xiang Huaicheng pour discuter du projet maglev. Suite à ces discussions, Xiang a déclaré que « le succès du système ferroviaire de Shanghaï pourrait montrer la voie vers d’autres utilisations dans d’autres régions du monde ».