5 mars 2008 (Nouvelle Solidarité) – L’on savait que le 20 février dernier, le Parlement européen a approuvé le traité de Lisbonne [1]. Mais ce qui est peu connu, c’est que lors de la même séance plénière, l’amendement 32 déposé par la Gauche Unitaire Européenne (GUE) et demandant que le Parlement européen « s’engage à respecter le résultat du référendum irlandais » a été rejeté à 499 voix contre 129. Malgré que la résolution sur le traité voté au même moment indique que « les députés se félicitent de l’accroissement de la responsabilisation démocratique » permettant aux citoyens « d’avoir un plus fort contrôle de l’action de l’Union », le rejet d’un tel amendement reste surprenant. On se souvient qu’en 2001, le « non » irlandais au traité de Nice n’avait pas empêché l’adoption du texte original, tout comme le « non » Danois de 1992 n’avait pas arrêté la marche du traité de Maastricht.
Par ailleurs, l’élite européenne déploie ses éléments les plus zélés sur le territoire irlandais pour faire passer le « oui », et parfois avec une certaine fourberie. La Vice-présidente de la Commission européenne et membre du groupe Amato (les 16 « sages » ayant pré-rédigé le traité –voir ici), Margot Wallstroem, s’est rendue à Dublin le 27 février pour tenter de calmer les Irlandais qui craignent, à juste titre, la perte de leur neutralité militaire en vertu de la « clause de solidarité » du traité. Le lendemain, avec l’ambition à peine masquée de corrompre la population irlandaise, le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré que son homologue irlandais Bertie Ahern serait un candidat idéal au nouveau poste de président de l’UE, sous-entendant que les Irlandais rateraient l’immense chance d’être au « sommet de l’Europe » s’ils votaient contre le traité.
Lors du débat parlementaire du 20 février, la députée européenne irlandaise du Sin féin Mary Lou McDonald (GUE) a interpellé ses collègues : « Il y a clairement une peur des référendums dans les autres Etats et je me demande pourquoi. Pourquoi alors que l’on parle tant de démocratie ? Qui ici a peur de la voix du peuple ? ». Sa compatriote, l’indépendante Kathy Sinnott, a avoué faire face à une demande massive de ses administrés pour obtenir des exemplaires du traité : « Quand je dois leur dire qu’il n’y a pas de version lisible, ils restent incrédules. Mais quand je leur dis que c’est par décret de la Conférence intergouvernementale (le groupe secret et non élu mandaté pour rédiger le traité de Lisbonne - ndlr), ils sont furieux. »
[1] On croit à tort qu’il s’agissait du traité lui-même, mais le Parlement européen a seulement voté une résolution dans laquelle ne figure pas le traité, mais seulement des déclarations d’intentions et des autocongratulations à son sujet. Si la résolution commence bien par ces mots « vu le traité de Lisbonne modifiant… », il est expliqué dans la conclusion que le parlement est « conscient » du problème de clarté et de lisibilité du traité et demande donc « que les traités consolidés, révisés à la lumière du traité de Lisbonne, soient publiés immédiatement ». Le Parlement européen aurait-il invoqué et voté un texte qui n’existe pas encore ?