Les Français ont assisté, ces dernières semaines, à un déferlement médiatique ininterrompu autour du livre de Nicolas Hulot, Pour un pacte écologique. Ce livre, tiré à 135 000 exemplaires, a été envoyé à tous les candidats présidentiels déclarés, dans une tentative d’assujettir l’ensemble du débat électoral à ce que Hulot a appelé l’« impératif écologique ». Ceux-ci ont même été invités à se rendre sur le site de la fondation Nicolas Hulot afin de signer le fameux Pacte, préalable nécessaire selon lui à toute démarche électorale.
Faisant fi de la financiarisation des trente dernières années et de son impact néfaste sur les conditions sociales et environnementales, Hulot affirme : « Aujourd’hui, le défi écologique détermine tout le reste. Il se situe sur une échelle de gravité sans comparaison avec les autres dilemmes qui agitent nos sociétés. » Ainsi, le problème du sida en Afrique, qui a tué des centaines de milliers de pauvres innocents, ou les deux guerres d’Irak, qui ont fait près de deux millions de morts, en incluant les victimes de dix années de sanctions économiques injustifiées, sont rabaissés au statut de simple effet secondaire du réchauffement climatique ou de la lutte pour les ressources naturelles : « Les bouleversements catastrophiques liés au changement climatique ou aux pénuries de ressources (la liste des dégâts est longue : appauvrissement des sols, extinction d’espèces, contamination des eaux, raréfaction énergétique, baisse des ressources halieutiques, ralentissement de la croissance des rendements agricoles, inondations, sécheresses, canicules, incendies, famines, tempêtes, cyclones, montée des eaux dans les deltas et sur les littoraux, désertification, déforestation, épidémies, exodes, "bidonvillisation" sauvage, déculturation massive, encouragement aux économies mafieuses...) frappent prioritairement cette part misérable d’humanité à laquelle, rappelons-le, se rattache le plus grand nombre des habitants de cette planète et qui, d’ici une ou deux générations, en constituera plus des trois quarts. » Pour ce qui est de la cause des guerres, il affirme plus loin : « Si l’on ajoute à la pénurie programmée de l’eau, de l’humus des sols, des poissons ou du pétrole, la propension « naturelle » de l’homme aux conflits, comment ne pas redouter qu’apparaissent, dans un délai très bref, de bonnes raisons d’affrontement qui se dérouleraient à une échelle sans précédent ? »
En récupérant un ensemble de maux graves et variés et en les passant par le tamis écologiste, Hulot fait preuve d’une irresponsabilité qui frôle l’obscénité. Ainsi, la politique va-t-en-guerre de l’administration Bush/Cheney se voit justifiée par la volonté instinctive de l’homme de s’accaparer les ressources (pétrolières) de l’autre, ou mieux, par la « propension naturelle de l’homme aux conflits », tout simplement exacerbée par le réchauffement climatique.
Pour faire face à ce dernier phénomène, Hulot propose dix objectifs et cinq « propositions concrètes », dont deux ont été massivement reprises par plusieurs candidats à l’élection présidentielle : la nomination d’un vice-premier ministre pour l’Environnement et une taxe carbone pour diviser par quatre les émissions de CO2. Questionné à ce sujet, Jacques Cheminade a répondu que ce sont certaines émissions télévisées qui devraient être diminuées par quatre, car elles polluent l’esprit des Français !
Au-delà de cette boutade, le candidat à l’élection présidentielle a expliqué que Nicolas Hulot tournait autour du pot, plutôt que de s’attaquer à l’orgie de spéculation financière, au sous-développement et à l’absence d’investissements dans des infrastructures urgentes et essentielles pour le bien-être de l’humanité.
en finir avec la mondialisation
A propos de la création d’un poste de vice-premier ministre pour l’environnement, Cheminade a précisé que la « destruction graduelle du Commissariat général au Plan a été une grave erreur et les Français doivent enfin le reconnaître. Ce n’est pas un poste de vice-premier ministre pour l’environnement dont nous avons besoin, c’est le Plan qu’il faut rétablir, avec un ministre délégué, et une section affectée à l’environnement pour relever les défis légitimes dans ce domaine. » Selon lui, l’absence de planification économique et la dérégulation financière ont conduit aux pires abus, alors que la tyrannie des financiers, obsédés par le profit à court terme, ne rencontre plus aucune résistance au sein de l’Etat. D’où les dérives dans l’aménagement du territoire, soumis à la volonté des spéculateurs immobiliers, la crise du logement, la faiblesse de la recherche technologique et scientifique, une infrastructure de plus en plus inadaptée dans le domaine des transports, les problèmes de sécheresse ou d’inondation et plusieurs autres symptômes. Les derniers grands travaux dans le domaine de l’eau datent des années soixante-dix, a ajouté le candidat.
Cheminade a dénoncé les autres « gadgets » proposés par Hulot, en particulier la taxe carbone pour lutter contre l’effet de serre, et les cantines bio pour adoucir les effets du libre-échange sur l’agriculture européenne et mondiale. « Ici aussi, a affirmé Cheminade, Hulot évite le vrai problème, qui est celui de la mondialisation financière. »
D’abord, en ce qui concerne l’utilisation des énergies fossiles et la pollution qui en découle, le candidat a proposé de mettre en place un fonds international pour financer le développement de nouveaux types de matières premières. Il faudra aussi développer le nucléaire - ou plutôt « les nucléaires » - de quatrième génération, puisqu’il s’agit de filières technologiques entièrement nouvelles, à « sécurité intrinsèque », qui seront beaucoup plus spécialisées, certaines pour le dessalement de l’eau de mer, d’autres pour la production de vapeur pour le chauffage urbain, ou encore pour la production d’hydrogène, qui sera appelé à remplacer le pétrole dans les modes de transport individuels. Il faudra aussi accroître la production d’électricité pour alimenter un réseau ferroviaire à grande vitesse - probablement à lévitation magnétique - élargi.
L’avenir appartient néanmoins aux réacteurs de fusion thermonucléaire contrôlée, dont le premier prototype d’essai (ITER) va être mis en place à Cadarache. Cheminade a précisé que divers autres procédés devaient être expérimentés : ceux de fission-fusion hybride à court terme et celui de fusion par confinement inertiel à long terme, prometteur pour les moteurs spatiaux.
Ensuite, au sujet du problème du productivisme agricole, Cheminade s’en est pris aux cartels de l’industrie agroalimentaire qui imposent leur loi, avec la complicité des politiques et le consentement de citadins endoctrinés par le libre-échange. « Il faut de toute urgence renégocier les accords de l’OMC, il faudra rétablir des mesures protectionnistes, afin que nos producteurs puissent évoluer dans des conditions économiques et donc un environnement sains », a-t-il dit.
Sur la démarche de Hulot, plus généralement, Cheminade n’a pas été très tendre à son égard : « Hulot est un post-soixante-huitard typique, en ce sens qu’il est un sophiste, qui substitue à la vérité des concepts complètement artificiels. Il ne prend absolument pas en compte les décisions prises au cours des trente dernières années. Il n’a aucun sens de la causalité. Ce n’est probablement pas volontaire, car il est tombé « dedans » [la pensée libérale, ndla] dès sa naissance, comme Obélix. »
A-t-il l’intention de signer le Pacte écologique ? Cheminade a haussé les épaules : « Après ce que je viens de vous dire, je suis surpris que vous me posiez la question. Mais si vous voulez connaître le fond de ma pensée à ce sujet, lisez le volet de mon programme intitulé « Environnement : pour une écologie humaine », que j’avais écris dès le printemps dernier, bien avant tout ce brouhaha. Je n’ai pas attendu Nicolas Hulot pour réfléchir à ces problèmes ! »
Le document auquel Cheminade se réfère est disponible sur : www.cheminade2007.org/article221.html
Benoit Chalifoux