Dans son éditorial du 16 mars intitulé « Les candidats millionnaires rattrapés par l’Internet-mania », le Guardian a comparé la « frénésie sur les dot.com » aux exemples historiques de bulles spéculatives, comme celle des mers du Sud au XVIIIème siècle. Pour l’éditorialiste Polly Toynbee, le nom de l’une des étoiles montantes de la Bourse, la compagnie Internet « lastminute.com », pourrait avoir une signification prophétique.
Toynbee estime qu’on se dirige, pour le moins, vers une forte « correction » sur les marchés boursiers, même si, à l’heure actuelle, on ne peut pas prévoir quand cela arrivera ni quelle sera l’étendue des dégâts. Toutefois, on serait bien avisé de s’interroger sur l’impact de l’éclatement de la bulle Internet sur les fonds de pension. « Quel genre d’effet déstabilisateur ceci aura-t-il sur la grande majorité des actions ne faisant pas partie du secteur de l’Internet ? A l’intérieur d’un tel casino financier, la seule chose qu’enseigne l’histoire, c’est que personne ne le sait avant qu’il ne soit trop tard. »
Toynbee ironisait sur le « mythe rassurant selon lequel les bulles antérieures avaient été provoquées par une stupidité et une ignorance que nous avons éradiquées ». Cependant, au XVIIIème siècle déjà, la population « comprenait très bien que le boom miraculeux du tout nouveau marché boursier ne reposait que sur du vent », mais que l’on pourrait toujours gagner quelque chose avant l’effondrement. « Comme maintenant et comme dans la bulle japonaise du début des années 90, ces investisseurs de la première heure pensaient simplement qu’ils pourraient sortir à temps ou que ceci pourrait durer éternellement si personne ne paniquait. » Aujourd’hui, « chacun sait que 80 % de ces sociétés Internet vont disparaître et que beaucoup d’autres n’atteindront jamais leur folle valeur du marché. »
Il y avait dans le passé un certain John Law qui « expliquait que l’or en lui-même n’étant qu’un talisman sans signification, pourquoi donc ne pas imprimer de l’argent ou des actions suivant une nouvelle doctrine de crédit en expansion illimitée ? ». En 1720, la compagnie des mers du Sud « n’avait que quelques navires d’esclaves délabrés », mais « les gens ont été convaincus d’échanger leurs bons du Trésor fiables contre des actions des mers du Sud », car ils croyaient en ce nouvel Eldorado.
Aujourd’hui, on vous dit que « rien n’a de valeur intrinsèque, ni les salaires, ni les marchandises : tout est virtuel et subjectif. Une bonne partie de l’économie repose sur le domaine de la fantaisie, une construction qui tient tant que les gens y croient. » Toynbee conclut : « Le boom, suivi du krach de 1929, a produit un contexte qui a permis à Franklin Roosevelt et à Keynes de montrer comment les humains peuvent et doivent tempérer les forces du marché. »