2 septembre 2008 (Nouvelle Solidarité) – Alors que ceux qui voulaient rompre en Europe les relations diplomatiques avec la Russie et pousser l’UE à prendre des sanctions contre son partenaire eurasiatique, ont échoués lundi à Bruxelles, la France, l’Allemagne et l’Italie sont allées dans le sens d’un dialogue continu avec la Russie. Dans le même temps, lors d’un discours à l’Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’en est pris au « Grand Jeu » britannique qui cherche à pousser l’Europe continentale et la Russie à l’affrontement mutuel.
Le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, qualifié par l’agence de presse officielle russe, Ria Novosti, de « plus fort allié du Kremlin dans l’UE », a déclaré hier sur la chaîne Canale 5 qu’il est « absolument essentiel d’empêcher une situation où la crise actuelle dans le Caucase serve de détonateur pour déclencher une nouvelle guerre froide ». Dans cet entretien accordé avant le sommet extraordinaire des 27 sur la Géorgie, Berlusconi a appelé ses camarades européens à adopter « une déclaration allant dans le sens du dialogue, pas de la confrontation ». Il a également expliqué s’être entretenu au téléphone avec de nombreux dirigeants européens et que tous ne comprennent pas à quel point une confrontation entre l’Occident et la Russie peut être dangereuse.
Après le sommet, le Premier ministre italien a expliqué que « le texte initial évoquait une riposte disproportionnée de la Russie. J’ai demandé alors ce que voulait dire une riposte proportionnée, et personne n’a pu me répondre. » Berlusconi, qui s’est dit « entièrement satisfait » des résultats « équilibrés » du sommet des 27, a appelé à « reconnaître qu’il y a eu une provocation sérieuse qui a suscité une riposte ».
Dans son discours au MGIMO, Sergueï Lavrov a réaffirmé que la riposte russe était « un modèle de modération », n’ayant eu pour seul objectif que de s’assurer « que l’agression de la Géorgie à l’encontre de l’Ossétie du Sud ne puisse plus être renouvelée ». A ce sujet, il a ajouté qu’il « serait juste, d’abord d’introduire un embargo sur les livraisons d’armes à Tbilissi, jusqu’à ce que de nouveaux pouvoirs fassent de la Géorgie un Etat normal ».
Puis, soulignant le rôle néfaste qu’a joué dans cette crise le soutien militaire américain à Tbilissi, Lavrov est allé plus loin que Poutine et Medvedev dans leurs dernières déclarations où ils montraient du doigt les Etats-Unis. Le ministre russe des Affaires étrangères s’en est pris quasi-directement à l’Empire britannique : « le spectre du Grand Jeu [*] ressurgit à nouveau sur le Caucase. Si les Etats-Unis et leurs alliés ne choisissent finalement pas leurs propres intérêts nationaux, ni celui du peuple géorgien, mais du régime Saakashvili qui n’a toujours rien appris, ce sera une bévue de portée véritablement historique. »
Puis il a poursuivi, en faisant allusion aux méthodes des services secrets britanniques : « Lorsque l’on parle en permanence du ‘gouvernement démocratique de Géorgie’, est-ce que cela veut dire qu’un gouvernement démocratique est autorisé à agir ainsi contre des civils qu’il considère pourtant comme les siens ? Nous ne serons jamais d’accord avec ce modèle britannique du ‘permis de tuer’ que certaines capitales accordent à ce qu’elles certifient être des ‘régimes amis’. »
Lavrov s’en est également pris à ceux qui essayent d’affaiblir la relation germano-russe et a réaffirmé que « la réconciliation germano-russe est un des facteurs les plus importants pour la construction de la nouvelle europe. Et nous ne laisserons personne semer la discorde entre nos peuples. »
En considérant également le rôle de la France pour encourager le dialogue avec Moscou, avec notamment les accords Medvedev-Sarkozy, et l’opposition de l’Allemagne, comme de la France et de l’Italie, à toute sanction lors du sommet de Bruxelles ce lundi, il semble que cette Europe là s’oppose à la « nouvelle Europe » (Etats baltes, Pologne, Roumanie…) conduite par le Foreign Office britannique. Comme l’a dit Lyndon LaRouche, les pays européens doivent désormais décider s’ils veulent aller en guerre ou pas, et vraisemblablement, les pays de la « Vieille Europe » ne le veulent pas.
Brève contenue dans Géorgie, Pologne, Pakistan, Xinjiang... : L’Empire britannique lance la guerre
[*] Le « Grand jeu » (ou « Great Game ») désigne la guerre indirecte que se livraient au 19ème siècle la Russie et l’Empire britannique, pour le contrôle du sous-continent indien, de l’Asie du Sud-Ouest et de l’Asie Centrale. On a parlé de « nouveau Grand jeu » lorsque Zbigniew Brzezinsky, ancien conseiller à la sécurité nationale du président américain démocrate Jimmy Carter et parrain politique de l’ancienne secrétaire d’Etat de l’administration Clinton, Madeleine Albright, a lancé par ce biais sa politique du « Grand échiquier » en 1997-99.