7 juin 2008 (Nouvelle Solidarité) – Le correspondant de Libération à Bruxelles tire la sonnette d’alarme : « Le scénario de cauchemar que redoutaient les dirigeants européens est en train de se concrétiser : selon un sondage paru vendredi dans le quotidien Irish Times, le non fait désormais la course en tête en Irlande à moins d’une semaine du référendum… ». En effet, selon les sondages,le non réunit désormais 35% des voix contre 30% pour le oui et 28% d’indécis.{}
Selon Libération, les Irlandais prêtent un peu trop l’oreille à un slogan qui fait mouche : « If you don’t know, vote no ! » (Si vous n’y comprenez rien, votez NON !). Dommage que nos parlementaires n’aient pas pu faire le déplacement pour accéder à une telle sagesse !
Cependant, les Irlandais semblent avoir quelques soupçons bien-fondés sur les dangers du traité.
D’abord, la menace que pose ce traité à la neutralité militaire, sujet fort et ancien dans ce pays. Après les engagements quasi-officiels de Nicolas Sarkozy annonçant le retour probable de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, en vue de la mise sur pied d’un pilier européen de la Défense, l’Irlande hésite. Disons que, vu le cadre fixé dans ce sens par le Traité de Lisbonne au sein de l’UE, les Irlandais ont bien raison d’y voir une menace à leur indépendance militaire.
Ensuite, l’enjeu de l’agriculture. Si jusqu’ici, la Politique agricole commune (PAC) avait permis aux fermiers irlandais un revenu décent permettant la modernisation du secteur, les déclarations récentes du Commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, ont jeté le trouble. Mandelson, dans une tribune au quotidien International Herald Tribune s’est livré à une attaque en règle contre Michel Barnier et le principe même de « sécurité alimentaire », pourtant principe fondateur de la PAC. Mandelson a eu la bonne mauvaise idée de se rendre en Irlande pour « rassurer » les agriculteurs irlandais qu’il n’y avait « aucun rapport » entre le Traité de Lisbonne et les négociations qu’il mène à l’OMC de Genève pour une conclusion rapide des accords de libre échange prévus comme conclusion au Cycle de Doha.
Les Irlandais semblent comprendre que les menottes mises aux poignées des nations par le Traité de Lisbonne les rendront incapables de s’opposer à un néolibéralisme de plus en plus prédateur.
S’ils n’ont pas compris le traité de Lisbonne, ils ont peut-être mieux compris que quiconque ce que cette illisibilité rend lisible. Seuls à pouvoir s’exprimer lors d’un référendum, espérons qu’ils fassent valoir ce dont sont convaincus une majorité de citoyens européens.
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