30 avril 2008 (LPAC) – A l’occasion d’une conférence de presse à Genève, Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à la nourriture, a dénoncé l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les biocarburants et les politiques « aberrantes » du Fonds monétaire international (FMI) comme étant causes de la famine qui touche les populations pauvres à travers le monde.
Invité pour apporter des solutions d’urgence à la crise alimentaire, Ziegler a participé à plusieurs réunions des Nations unies. Il n’a pas mâché ses mots pour sa dernière conférence de presse en tant que rapporteur spécial (son mandat prend fin le 30 avril). Il déclara que les actions du directeur de l’OMC, Pascal Lamy, « sont totalement contraires aux intérêts des gens victimes de la famine ». Actuellement, l’OMC se hâte de conclure le cycle de Doha (Doha Round) visant à libérer encore davantage les marchés, ce qui équivaudra à tuer plus de gens, a déclaré Ziegler, c’est une protection des prix qui permettrait aux agriculteurs de produire de la nourriture, et non pas la libéralisation des marchés !
L’officiel suisse a également comparé les politiques du FMI au colonialisme, (elles encouragent les nations pauvres à produire des biens manufacturés pour l’exportation afin de rembourser leurs dettes contractées auprès des pays étrangers, laissant ainsi les agriculteurs se débrouiller pour survivre.) Assez d’une telle « récolte coloniale », a-t-il déclaré.
Ziegler a lancé un appel à faire des dons au Programme mondial alimentaire des Nations unies, seule source de nourriture pour 75 millions de personnes. Il a averti que depuis les trois derniers mois, le pouvoir d’achat des pauvres dans le monde a baissé de 40 % à cause de l’inflation des produits alimentaires. Sans une aide urgente, des millions de personnes, dans des endroits comme la Bande de Gaza ou le Darfour, vont mourir dans les mois qui viennent, et les émeutes de la faim vont s’intensifier. Les prix élevés de la nourriture « déstabilisent le monde », a-t-il encore déclaré, et « le massacre quotidien de la faim » devient de plus en plus meurtrier tandis que des spéculateurs cherchent à tirer profit des hausses ou des baisses des cours des produits de première nécessité.
Dans ce contexte, Ziegler réitéra son attaque contre l’engouement pour les biocarburants, les accusant d’être la source principale de la hausse des prix de la nourriture. Si des gens veulent se battre contre le réchauffement climatique, très bien, a-t-il dit, mais ils doivent le faire sans en tuer d’autres. Aujourd’hui, les biocarburants sont « un crime contre une large part de l’humanité, ce qui est intolérable », a-t-il averti, on doit décréter « un moratoire total » sur la production de biocarburants, qui durerait au moins cinq ans.