Le 3 février, dans une interview à Soren Seelow du quotidien Le Monde, Jean François-Poncet, vice-président de la Commission des affaires étrangères et ancien ministre des Affaires étrangères, s’est de nouveau fortement exprimé pour un changement d’attitude envers le Hamas.
M. François-Poncet avait rencontré fin janvier, Khaled Mechaal, le chef du Hamas, au cours d’un voyage à Damas qu’il avait effectué en compagnie de la sénatrice Monique Cerisier-ben Guiga. Ce voyage était bien entendu « sensible ». Il a permis au gouvernement Sarkozy de sonder la direction du Hamas, juste après le début du double cessez-le-feu qui a mis fin au terrible assaut lancé par Israël contre Gaza. Des membres du gouvernement n’auraient pas pu eux-mêmes s’entretenir avec des personnalités liées à un groupement qui figure parmi les organisations terroristes. Mais, cette interdiction ne concerne pas une délégation sénatoriale ayant décidé de prendre cette initiative « en toute indépendance ».
Pour M. François-Poncet « le Hamas est désormais ouvert au dialogue avec Israël et doit être considéré comme un interlocuteur à part entière ». « Nous avons rencontré Khaled Mechaal, le responsable de l’aile politique du Hamas », a déclaré l’ancien ministre, « l’objectif était de savoir où en est le Hamas, qui est manifestement devenu un acteur incontournable de la scène moyen-orientale et un partenaire dont on ne pourra pas se passer dans le cadre d’un règlement du conflit entre Israël et les Palestiniens. Le Hamas n’est plus le mouvement révolutionnaire et religieux que l’on veut bien décrire. Ce mouvement a aujourd’hui une audience réelle parmi les Palestiniens, probablement plus que n’en a Abou Mazen [Mahmoud Abbas], le Président de l’Autorité palestinienne. Le sentiment que j’ai eu est qu’il se situe désormais dans le cadre d’une négociation avec Israël. Le Hamas est encore sur la liste des organisations terroristes, mais nous avons le sentiment que cette phase de son développement est dépassée. »
Questionné sur la nature « terroriste » des tirs de roquettes auxquels se livre Hamas, François-Poncet a plutôt considéré que ces tirs « s’inscrivent dans le cadre des échanges entre Israël et le mouvement palestinien à Gaza. Vous ne demandez pas si l’attaque israélienne à Gaza est terroriste. Il ne faut pas oublier que la trêve que le Hamas avait conclue avec Israël et qui a été dénoncée il y a trois mois, comportait la possibilité pour l’enclave de Gaza d’avoir des relations normales avec l’extérieur, or les Israéliens ont imposé un blocus extrêmement strict. Ce qui a incité le Hamas à ne pas renouveler la trêve et à commencer à envoyer des missiles. Il a eu tort, sûrement, mais cela fait partie du bras de fer qui se déroule au Proche-Orient. »
Les deux sénateurs devaient aussi se rendre en Israël, mais cela n’a pas été possible. « Israël a très mal réagi à notre entretien avec M. Mechaal. Ils ont annulé tous nos rendez-vous car ils refusent pour le moment qu’on ait des contacts avec le Hamas. En agissant ainsi, Israël signifie clairement à tout le monde que ceux qui prennent contact avec le Hamas seront mis au frigidaire. Mais nous sommes dans une évolution », a déclaré M. François Poncet.
« Aujourd’hui, ni la France ni l’Europe ne considèrent le Hamas comme un partenaire. Mais le moment viendra où tout le monde, à commencer par les Américains, sera obligé de reconnaître les faits. On parle de rassembler les Palestiniens, ce qui signifie réunir Mahmoud Abbas et le Hamas dans un gouvernement d’union nationale, qui est incontournable si on veut qu’un accord de paix tienne. Nous avons pris l’engagement de négocier avec ce gouvernement d’union nationale, or dans ce gouvernement, il y aura le Hamas. Ils sont des acteurs de fait. »
Enfin, concernant la rengaine israélienne à propos de la charte du Hamas, qui prévoit la destruction d’Israël et qui permet à l’Etat hébreux de se dérober à toute négociation réelle de paix, M. François Poncet a répondu qu’ils en avaient parlé et que ce n’était pas un obstacle. « M. Mechaal l’a balayée d’un revers de la main. C’est une charte, comme celle que l’OLP a longtemps eue avant d’y renoncer. Il n’a pas parlé d’y renoncer, mais il ne s’y est pas non plus référée. C’est un stade qui me paraît aujourd’hui dépassé. »
Cette charte n’est-elle pas incompatible avec le statut d’interlocuteur que vous reconnaissez au Hamas ?
« A partir du moment où ce mouvement se situe dans la perspective d’une négociation, c’est forcément avec Israël. Certes, il ne se propose pas de reconnaître Israël. Mais le fait d’entrer dans une négociation serait difficile à comprendre s’il n’implique pas de reconnaître le partenaire avec lequel on parle. »
Notons que la position du gouvernement va tout à fait dans le même sens. « Nous sommes prêts à parler avec Hamas s’il respecte les principes qui guident le processus de paix, à commencer par la renonciation à la violence ». Le 20 janvier, Bernard Kouchner avait qualifié le mouvement de possible « interlocuteur », surtout dans le cadre de la création d’un gouvernement d’Union nationale.
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