Cette phrase est extraite du discours de Nicolas Sarkozy prononcé le 16 octobre 2007 à Bordeaux.
Entendez : le service public hospitalier lâché par l’Etat et confié aux vautours de la finance pour son dépeçage. Le rapport de l’ancien ministre Gérard Larcher sur « les missions de l’hôpital » a été rendu et contient 16 propositions de réformes, dont le regroupement des hôpitaux et le renforcement du pouvoir des directeurs d’établissement.
Allons voir derrière les mots pour les décrypter et comprendre les conséquences de cette réforme en prenant cinq des principaux points de la réforme.
- « Regroupements » d’hôpitaux :
Dans son rapport, Gérard Larcher donne à penser à un « nombre important d’hôpitaux publics » et encourage à des regroupements d’établissements sous la forme de « communautés hospitalières de territoire », précisant que « la sécurité du patient prime sur la proximité » de l’établissement.
De toute évidence, Gérard Larcher gère le parc hospitalier en mettant de côté deux points fondamentaux. Le premier est la croissance démographique du pays. Par un simple calcul arithmétique, plus de français = plus de maladies et de malades = plus de besoins en personnel médical et en structures hospitalières.
Le deuxième point est le fait que, même si le nombre d’habitants se stabilisait (ce qui semble difficile), il ne faudrait pas sous-estimer les besoins éventuels provoqués par des situations de grande urgence. En effet, en cas de grandes épidémies, des capacités hospitalières conséquentes s’avèrent indispensables.
- Direction des hôpitaux :
Le rapport évoque la possibilité de recruter des directeurs issus du secteur privé ou d’un secteur autre que le secteur hospitalier, en prévoyant un dispositif leur « permettant d’acquérir les connaissances clés du monde hospitalier ». Le but serait d’« améliorer la performance économique », par le biais entre autres, du recrutement de spécialistes en logistique capables d’aider à améliorer « la gestion des lits » ou les « flux de patients » et d’« Assouplir la gestion » des établissements en les soumettant à des « règles de transparence » moins contraignantes notamment pour les marchés publics.
C’est instaurer de nouvelles « règles de la gouvernance interne » avec pour « seuls responsables » et maîtres à bord des supers pilotes roués au maniement financier qui auront à charge de « transformer le conseil d’administration en conseil de surveillance ».
Soyons avertis que cette surveillance s’intéressera en priorité à faire baisser les couts en réduisant le remboursement des malades accusés de creuser le déficit du secteur hospitalier.
Cela se traduit par assumer « la globalité de la gestion du risque » en diversifiant la composition des conseil administratifs des ARS (Agences régionales de santé) et en introduisant un concept managérial. L’hôpital doit donc appliquer « le code des marchés publics » tout comme les entreprises industrielles ou commerciales.
Disons le tout de suite, l’hôpital public ne peut être gérer comme une entreprise et être contraint à la concurrence du marché ; les malades ne sont pas des marchandises et ils ne doivent en aucun moment être soumis à la discrimination sous des prétextes comptables.
- Hospitalisation à but lucratif :
Selon Gérard Larcher, il faudra toujours donner aux patients la possibilité d’être soignés à des « prix remboursables » et « veiller au respect du droit à la concurrence ». Le moyen d’y parvenir serait d’« éviter des positions de monopole de groupes de cliniques dans certaines villes ou régions », en prévoyant par exemple des « prises de participation publique dans le capital de cliniques ou de sociétés immobilières » si le « service public » de santé n’était « plus assuré ».
Les loups de la finance dévorant la santé sont déjà en France et se nomment KKR, Blackstone, Vitalia…
- Hôpital et personnes âgées, handicapées ou socialement défavorisées :
Dans la suite logique d’un système de gestion comptable, le rapport propose de réduire le nombre de lits à l’hôpital au profit de places d’hébergement dans des établissements pour personnes âgées ou handicapées.
C’est prendre le brouet de Paul pour le donner à Pierre alors que l’un et l’autre sont en guenilles. S’il est vrai que les structures d’accueil pour personnes en grande dépendance sont en nombre insuffisant, ce serait un gâchis que de détourner les lits hospitaliers pour combler un manque que l’Etat a laissé grandir. Gouverner c’est prévoir. Depuis les années 1975, tout un chacun connaissait les besoins dans ce secteur, mais depuis 30 ans le court terme a prévalu sur l’avenir.
- Rémunération des médecins
Gérard Larcher veut, grâce à des rémunérations « variables », valoriser les revenus au détriment d’un salaire jusqu’ici relativement fixe, valorisation qui s’articulera en fonction des responsabilités exercées, du « niveau d’activité » des médecins ou de la pénibilité de leur travail.
On peut se demander sur quels critères réels, Gérard Larcher base les responsabilités du personnel médical. Par exemple : un médecin généraliste de l’hôpital public prenant le temps nécessaire pour examiner son patient (c’est-à-dire plus de dix minutes car les salles d’attente sont bondées faute de personnel dans ce secteur peu rémunérateur) et découvrant une maladie grave a-t-il mieux « exercé » ses responsabilités que le chef de service cancérologie d’une clinique privée qui soignera un malade n’ayant pu entrer à l’hôpital public (faute de place) ?
Pire. Ce médecin généraliste sera-t-il sanctionné car il aura découvert une maladie qui ne pourra être soignée (faute de place) suite aux restructurations managériales avancées dans le Rapport de la Commission de concertation sur les missions de l’hôpital (voir ici) ?