1er mai 2009 (Nouvelle Solidarité) – Le mercredi 29 avril, la Commission européenne a finalement adopté la directive Charlie McCreevy, du nom du commissaire européen irlandais au marché intérieur, dont le but est d’imposer certaines mesures de régulation aux hedge funds et aux fonds de capital investissement, basés pour l’essentiel à la City de Londres ou dans les dépendances de la Couronne britannique.
C’est sous la pression de la France et de l’Allemagne que le très libéral président de la Commission, Jose Manuel Barroso, avait finalement consenti à l’élaboration de cette directive. Dans un article de Libération, son correspondant à Bruxelles Jean Quatremer assure qu’en donnant cette responsabilité à Charlie McCreevy, l’ancien ministre des Finances qui a dé-régulé tout le système financier irlandais, Barroso comptait saboter toute tentative réelle de régulation de ces fonds hyper-spéculatifs.
Ainsi, dans la première mouture du projet, bien que Français et Allemands exigeaient un enregistrement en bonne et due forme auprès des autorités européennes pour tous les fonds désirant opérer dans l’UE, McCreevy avait limité cette mesure à l’enregistrement du seul gestionnaire du fonds. Et bien que les Socialistes européens exigeaient que cet enregistrement soit obligatoire pour les fonds eux-mêmes et peu importe leur taille, McCreevy avait proposé que la régulation ne s’impose qu’aux gestionnaires gérant plus de 250 millions d’euros.
Or, cet enregistrement devait être considéré comme un véritable « passeport européen », permettant ensuite au fonds spéculatifs d’opérer librement dans toute l’UE — tout en restant domiciliés dans les paradis fiscaux — et même de mener des campagnes publicitaires « actives » pour leurs produits, alors qu’en France, par exemple, ces produits restent encore fortement encadrés.
A la dernière minute, suite à de fortes pressions de Paris et de Berlin, McCreevy fut obligé de revoir sa copie. Tout fonds spéculatif gérant plus de 100 millions d’euros (au lieu de 250) devra s’enregistrer auprès de l’UE pour obtenir le précieux passeport. Ainsi, comme Les Echos le souligne, « ni les gestionnaires établis dans des pays tiers, ni les fonds domiciliés à l’étranger ne pourront se livrer à une commercialisation active en Europe (…) ».
La Grande Bretagne, où sont domiciliés un hedge funds sur quatre, sera obligée de partager des informations avec l’autorité de régulation financière européenne (CESR).
Bien sûr, ces mesures ne résoudront pas à elles seules la crise actuelle.
Cependant, à ce stade, la moindre tentative de mettre ces fonds sous contrôle semble rendre les Britanniques chèvres. Le 30 avril, le quotidien britannique Daily Telegraph évoquait, sous le titre Les avertissements lancés par les hedge funds contre toute régulation adoptée par l’Union européenne qui les forcerait à quitter Londres : « Londres devra faire face à l’exode de hedge-funds et des fonds de capital investissement gérant des actifs de plusieurs milliards de livres sterling, si les mesures fortes de régulation proposées par la Commission européenne devaient devenir des lois, ont averti les financiers. (…) Le retrait des opérations hors de l’Union européenne aurait des effets dévastateurs pour Londres : près de 60% des compagnies de capital-investissement et presque tous les hedge funds sont domiciliés dans cette capitale. Le PDG de l’un de ces fonds, qui a préféré garder l’anonymat, a déclaré que cette directive était "une façon de s’en prendre à Londres. Cette activité est insignifiante à Paris et à Francfort." Les spéculateurs craignent en effet que « ces propositions conduisent ultérieurement à l’imposition de règles plus strictes sur les niveaux d’effets de levier tolérés et les ratios de fonds propres. De telles mesures, en effet, entraveraient les stratégies de bon nombre de fonds d’investissement. »
En supposant que le texte fasse l’objet d’un accord entre le Conseil européen et le Parlement européen dès la fin 2009, il pourrait s’appliquer dès 2011.
En tout cas, au Parlement européen, la présidente socialiste de la Commission d’Economie et des Finances, Pervenche Berès, veille au grain, tout comme le Président du groupe socialiste européen, Poul Nyrup Rasmussen du Danemark. Tous deux ont exprimé, dans une lettre adressée à Barroso, leur fureur contre la mouture McCreevy.
« Cette directive à plus de trous qu’un fromage suisse », a même déclaré Poul Nyrup Rasmussen.
Pour creuser le sujet : Il faut choisir entre les banques et les hedge funds
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