Par Christine Bierre,
rédactrice-en-chef de Nouvelle Solidarité
Si la politique du gouvernement Hollande à l’égard de la Syrie reflète la disparition de notre pays sur la scène internationale en tant que facteur d’indépendance vis-à-vis des politiques d’Empire du couple privilégié Royaume-Uni/Etats-Unis, l’intervention de Nicolas Sarkozy sur ce dossier le 7 août dernier relève, elle, du crime d’Etat.
En un instant on a vu réapparaître, tel un fantôme, le visage du bonapartisme, de ce néo-conservatisme à la Carl Schmitt qui ne cherche que l’occasion de s’affranchir du droit international pour exercer sa volonté de puissance, et ce goût terrible laissé par les crimes commis dans la guerre contre la Libye : crime d’avoir violé la résolution de l’ONU qui n’autorisait pas la guerre et d’avoir consciemment trompé Russes et Chinois, crime d’avoir prêté main forte à l’assassinat d’un chef d’Etat en exercice dans le seul objectif de l’empêcher de « parler » au cours d’un procès, crime d’avoir porté les armes contre un pays sous le faux prétexte de le libérer et après 45000 morts de l’abandonner dans une condition pire que celle où on l’avait trouvé, crime enfin d’avoir laissé se répandre dans tout le pourtour saharien un armement dont les premiers effets peuvent être mesurés au Mali.
L’intervention de Nicolas Sarkozy, la première depuis son départ, aux côtés du président du Conseil national syrien, Abdebasset Sieda, pour demander une action rapide de la communauté internationale en Syrie, vise à créer une pression intérieure intolérable sur un gouvernement socialiste qui multiplie ses gesticulations verbales mais qui est, sur ce dossier, plutôt en retrait par rapport à son prédécesseur.
Dans un communiqué conjoint publié à la suite d’un coup de téléphone, Nicolas Sarkozy et Abdebasset Sieda ont, en effet, constaté « la complète convergence de leurs analyses sur la gravité de la crise syrienne et sur la nécessité d’une action rapide de la communauté internationale pour éviter des massacres ». Et, dans une allusion directe au besoin d’une action militaire, ils rajoutent qu’« ils sont convenus qu’il y a de grandes similitudes avec la crise libyenne ».
Depuis, c’est celui qui avait vendu à Nicolas Sarkozy la guerre contre la Libye, Bernard-Henri Levy, qui toujours poitrine en avant vitupère : « Alep aujourd’hui, c’est Benghazi hier » ; c’est aussi Jean-François Copé et d’autres ténors de l’UMP qui se sont engouffrés dans cette brèche pour dénoncer l’attentisme « criminel » du gouvernement Hollande sur cette question et se féliciter, encore aujourd’hui, des faits d’armes de Nicolas Sarkozy en Libye tout en feignant d’en ignorer les conséquences !
Mais quelle est, au juste, la philosophie de François Hollande dans ce domaine ? Si elle n’est pas très bien définie, certains éléments se dégagent, suite notamment à la tournée effectuée du 17 au 20 août par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, de trois pays voisins de la Syrie, la Jordanie, le Liban et la Turquie.
D’abord, le président français tient une ligne « onusienne » stricte, analyse Nathalie Nougayrède, rappelant les déclarations faites par François Hollande sur le sujet : « une intervention armée n’est "pas exclue" en Syrie "à condition" qu’une résolution de l’ONU soit votée dans ce sens (…) ce qui revient à y renoncer, étant donné le "niet" russe. » Laurent Fabius l’a répété aussi dans une interview à Europe 1 le vendredi 17 août : « La règle de la France, qui a toujours été respectée, c’est qu’il n’y a pas d’intervention sans qu’il y ait une légalité internationale. La grande différence avec la Libye, c’est que les Nations unies avaient autorisé l’intervention. »
Il y a ensuite le refus d’armer les opposants syriens, par crainte que ces armes soient utilisées contre nous. « D’abord, a déclaré Laurent Fabius au cours du même entretien, il y a un certain nombre de pays qui donnent des armes aux rebelles. Le Qatar, l’Arabie saoudite et d’autres font passer des armes. (…) En ce qui concerne les armes puissantes, notamment pour détruire les avions, il y a un problème massif : on ne peut pas livrer des armes à des personnes dans des conditions qui risqueraient de se retourner ensuite contre nous. (…) Je prends l’exemple libyen : il y a des armes qui ont été livrées. Aujourd’hui, on retrouve une grande partie de ces armes au Sahel, au nord du Mali, pour, le cas échéant, atteindre des objectifs qui seraient européens. » C’est la raison pour laquelle l’Europe et la France, a-t-il rappelé, ont adopté un embargo sur les armes en Syrie.
Nathalie Nougayrède croit déceler dans la politique actuelle une sorte d’évolution post libyenne, un solde de tous comptes des guerres de l’ère Sarkozy, « à l’heure de l’effort national imposé par la crise, et d’une volonté de se montrer à l’écoute des pays émergents prompts à taxer l’Ouest de néo-impérialisme ». « La perception, dit-elle, est que l’ère des interventions militaro-humanitaires a touché à sa fin, et que de dures leçons ont été tirées. "L’Afghanistan, la Somalie, ça s’est traduit partout par une calamité ! La Libye ? On a certes effacé l’épisode catastrophique [de la politique française sur le dossier] tunisien, mais l’invasion du nord du Mali a été une conséquence directe de cette intervention", affirme un proche du Président. »
Enfin et surtout, plus prosaïquement, il y a la crise, et il n’y a pas d’argent dans les caisses.
Si la France ne semble plus vouloir prendre la tête des croisades de l’Empire comme lors de l’ère Sarkozy, on n’est pas revenu cependant à notre légendaire « exception française ».
La France mise sur une décomposition du pouvoir sous la pression de l’offensive actuelle. Elle poursuit son aide technique aux rebelles, comme l’a laissé entendre Laurent Fabius dans son intervention au Liban : « Ce n’est pas un secret qu’un certain nombre de pays acceptent de livrer des équipements non létaux, des équipements de communication ou des techniques qui vont être utiles à l’opposition et à la résistance syriennes. » Puis, elle vient d’installer un hôpital militaire pour soigner les rebelles, en Jordanie, près de la frontière syrienne.
On ne pourra cependant pas mettre fin à l’épisode bonapartiste de la France sarkozyste, en le mettant simplement sous le tapis sans rétablir pleinement l’exigence républicaine. Cheminade l’avait proposé, François Hollande pourrait s’en inspirer. La France devrait proposer à ses alliés de l’OTAN de remplacer leur politique actuelle d’éclatement de la région du Proche-Orient, dans le contexte d’une progression générale de l’Empire visant à encercler la Russie et la Chine, par une politique de paix par la reconstruction économique de l’ensemble de la région. Et si ses alliés ne l’acceptent pas, elle devrait quitter l’OTAN, dans les pas de Charles de Gaulle, dans la tradition du rejet de la tentation coloniale de Jean Jaurès et de Pierre Mendès-France.
# Pic et Puce
• 21/08/2012 - 20:10
Gauche ou droite, socialiste ou de droite, quelle importante ? Ce sont les mêmes, au dessus du panier, qui tirent les ficelles et qui attribuent à leurs valets, les rôles qu’ils doivent jouer.
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# petite souris
• 20/08/2012 - 20:59
« Quel » parti politique était aux affaires juste avant la 2° guerre mondiale ?
Quel parti politique était aux affaires juste avant la guerre d’Indochine ?
Quel parti politique était aux affaires juste avant les évènements d’Algérie en 1954 ?
Le problème avec les socialistes c’est qu’ils sont par idéologie antimilitaristes, par manque de convictions ne sont pas de bons diplomates, ils sont un peu droitdel’hommistes, quelquefois humanistes, ils veulent être consensuels ......
et donc ce François là fera donc comme ses prédécesseurs .....
Mais aujourd’hui impossible de rappeler au pouvoir le vainqueur de la guerre précédente.
.....yake sarko&BHL ! 120 à 150 000 morts ! quand même !!!!!!!!
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