Paris, le 17 mai (Nouvelle Solidarité) — Selon le général Vincent Desportes, commandant du Centre de doctrine de l’emploi des forces (CDEF) du ministère de la Défense et prochain dirigeant du Collège interarmées de défense, l’incapacité des armées occidentales à gagner des guerres ces dernières années, devrait nous amener à une remise en question de la doctrine militaire actuelle. C’est au cours d’un colloque organisé conjointement par l’association Démocraties du Général Henri Paris et par la CGT qui a eu lieu le 16 et l7 mai au siège même de la CGT, que le Général s’est livré à des critiques accablantes envers la stratégie militaire dominante. Dans un discours consacré aux « Nouveaux conflits, nouveaux soldats, et nouveaux métiers », le général Desportes, l’une des étoiles montantes de l’armée française, a montré que la conception de la guerre d’Etat à Etat, menée avec des moyens technologiques de plus en plus importants, qui a dominé dans l’après-guerre, est morte en 1989 avec la chute du mur de Berlin et en 2003 en Irak.
Il nous faut mener une guerre capable de produire « un effet en politique », a dit le Général. Or, en Irak, malgré les dépenses énormes, deux fois plus importantes que celles de la deuxième guerre mondiale – équivalentes à un sous-marin nucléaire français (SNLE) par jour ! – les Etats-Unis ont été incapables de remporter la victoire. Au Liban en 2006, l’Etat hébreux a dépensé 6 milliards d’euros et a produit l’équivalent de cette somme en dégâts au Liban, sans pouvoir l’emporter. La situation est la même au Kosovo et en Afghanistan.
La technique n’est importante que dans la mesure où elle permet de produire un changement « politique ». Dans un entretien au journal Le Monde du 26 avril dernier, le Général dénonce cette « très dangereuse interprétation américaine de la ‘révolution dans les affaires militaires’, selon laquelle la technologie pouvait directement produire des résultats politiques. Nous savons que c’est faux, comme les exemples de l’Irak, de l’Afghanistan ou du Liban le montrent : la technologie ne produit pas d’effet politique. Ce qui est mort aussi en Irak, c’est l’idée qu’il y avait des victoires militaires rapides qui pouvaient conduire à des résultats durables. Nous avons compris que le résultat militaire ne conduit plus directement au résultat stratégique. Parce que l’Amérique est la puissance dominante, nous avons suivi ce courant de pensée. Mais les difficultés que rencontrent aujourd’hui les armées occidentales montrent bien qu’il est urgent désormais de penser la guerre autrement. »
Dans son intervention au colloque de Démocraties et de la CGT dont le thème central était le lien entre Armée et Nation, le Général a aussi insisté sur le fait que le seul objectif d’une guerre, quand on doit la mener, est de pouvoir créer rapidement les conditions du retour à la normale, du retour à la paix. Or, les guerres actuelles ne permettent pas de faire cela, au contraire, elles provoquent des conflits asymétriques dans lesquels un pays faible se défend contre un pays beaucoup plus fort avec les moyens de la guerre conventionnelle et du combat de guérilla. Or, les pays avancés, dans leur grande majorité, ne sont plus capables de mener des guerres conventionnelles, car ils ont cru pouvoir faire la guerre à distance, sans pertes humaines, en misant entièrement sur les moyens techniques.
En réalité, comme nous l’avons dit souvent dans nos analyses, plutôt que de parler de nouveaux combats ou formes de guerres, c’est à un retour en arrière vers des guerres coloniales comme celles du Vietnam, d’Algérie ou l’Indochine que nous faisons face. A la fin de la guerre froide, plutôt que de bâtir un monde de républiques souveraines, les Bush et les Cheney, sous l’influence de l’Empire Britannique, ont décidé de transformer les Etats-Unis en Empire, projetant leur pouvoir militaire aux quatre coins du monde et entraînant leurs alliés dans cette direction. Jacques Chirac a eu le courage de refuser la participation de la France à la guerre d’Irak bien qu’il ait tout de même agi pour le rapprochement de la France avec l’OTAN. Intégrée au commandement militaire de l’OTAN, comme Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de le faire, la France n’aura plus la possibilité de refuser sa participation aux guerres coloniales des Britanniques et de leurs hommes au pouvoir aux Etats-Unis. « Il est urgent de changer de stratégie militaire » a dit le Général Desportes. Il est donc urgent pour la France d’empêcher cette réintégration, et de renover sa pensée militaire auprès de grands stratèges républicains de notre histoire, le Général de Gaulle, Jean Jaurès, sans oublier le grand
Pour creuser le sujet : focus