Au mois d’août, alors que Gérard Mestrallet de Suez et le PDG de Gaz de France, Jean-François Cirelli, se livraient à un lobbying éhonté auprès des députés, la campagne présidentielle de Jacques Cheminade a pu, malgré les vacances, faire parvenir sa déclaration contre la fusion aux députés, via leurs courriels personnels ou leurs permanences de province. Les militants de la campagne ont pu s’entretenir au téléphone avec certains d’entre-eux ou avec leurs assistants parlementaires ou chefs de cabinet, pour tenter de faire prévaloir l’intérêt général. Le communiqué a également été distribué aux universités d’été du Parti socialiste, de l’UDF et du MRC.
Un des amendements proposé par le gouvernement au texte de la loi est plus que révélateur des dérapages qui nous attendent si jamais la privatisation devait se faire. En effet, il vise à instaurer un « tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché », dont le but est de réduire l’un des effets pervers de l’ouverture du marché de l’électricité aux professionnels, aux entreprises et aux collectivités locales, opérée en 2004. Cet amendement donne la possibilité aux entreprises qui avaient choisi de se fournir au marché libre de l’électricité, d’annuler leurs contrats en cours avant le 30 juin 2007 et de pouvoir bénéficier d’un bien meilleur tarif pendant une période maximale de deux ans. Ce tarif ne devra pas excéder de plus de 30 % le tarif réglementé. Que veut dire tout cela ? Croyant que sous l’effet de la main invisible, les prix du marché déréglementé allaient baisser, un certain nombre d’entreprises ont préféré se fournir sur ce marché que sur le réglementé. Or, le Medef et la CGPME ont dénoncé des augmentations de prix de 70 à 100 % en trois ans ! Ainsi, en une année, le prix de l’électricité a augmenté de 48 % et celui du gaz de 5,8 % !
Pire encore, un article paru dans Le Monde, signé Jean-Michel Bezat et A.R., cite une responsable de KalibraXE, une société de conseil aux entreprises en achat d’électricité, dénonçant le fait que les PME « sont parfois prises en otages par des grands fournisseurs qui leur proposent des clauses exorbitantes », certains (EDF, Suez ou Endesa) exigeant que « le client s’engage à payer, même en l’absence de consommation, une quantité d’énergie donnée », d’autres imposant des clauses d’exclusivité ou de sortie « dont le coût (plusieurs centaines de milliers d’euros) dissuade le client de se tourner vers d’autres fournisseurs ». Et les auteurs de cet article de se demander, en conclusion, si « de telles dérives ne risquent-elles pas de se reproduire sur le marché du gaz, d’autant que les acteurs, clients comme fournisseurs sont... les mêmes que sur le marché de l’électricité ? »
D’autre part, le commissaire européen chargé du marché intérieur, Charlie McCreevy, est venu au secours du gouvernement, annonçant hier qu’il ne s’opposerait pas à ce que le gouvernement s’octroie une « golden share », en cas de fusion Gaz de France/Suez, permettant au gouvernement de garder le contrôle de cet atout stratégique.
Mais selon l’Humanité du 8 septembre, qui a eu connaissance de la lettre de griefs envoyée par la Commission européenne aux dirigeants de Suez et de Gaz de France dans le cas d’une fusion, les articles 429, 484 et 502 de ce texte annoncent la volonté de Bruxelles de s’attaquer aux dernières tentatives du gouvernement de parer aux pires aspects de cette politique : 1) aux contrats à long terme (actuellement ces contrats de vingt à trente ans permettent aux industriels de se fournir en électricité à moitié prix), 2) à tous les tarifs spéciaux réglementés, et 3) au monopole même des infrastructures du fournisseur historique.