Le 10 mars 2008 (Nouvelle Solidarité) – Le vice-président de la banque d’affaires new-yorkaise Lehman Brothers et ancien ambassadeur américain à Paris, champion mondial du sophisme, a donné le 11 février une interview au quotidien français Les Echos, sous le titre trompeur « L’Amérique a besoin d’un nouveau New Deal ».
Après un tour d’horizon de la crise financière, industrielle et immobilière qui met à mal l’économie américaine et mondiale, Rohatyn reconnaît que les Etats-Unis ont « commis une sérieuse erreur en abolissant à la fin des années 1990 la loi Glass-Steagall qui empêchait les banques de réseaux de prendre des participations dans des banques d’affaires ».
Il faut désormais, dit-il, « un régulateur plus global, capable d’imposer des règles et de parler d’une seule voix. ». Parlant de régulation, le journaliste lui demande ensuite s’il désire réhabiliter Keynes ou faire revivre le New Deal de Franklin D. Roosevelt, ce qui montre sans doute jusqu’à quel point LaRouche et ses co-penseurs ont réussi à façonner les termes du débat, puisque ce fut le thème de ses campagnes depuis une bonne décennie.
Bien que, jusqu’à ce jour, Rohatyn avait explicitement rejeté la solution Rooseveltienne que prône LaRouche, le banquier répond que « tout en restant un fervent capitaliste, je n’ai jamais caché que j’étais keynésien, et quand je vois dans quel état sont aujourd’hui les Etats-Unis, je regrette que les keynésiens soient minoritaires. Nous avons parfois tendance à l’oublier, mais, avec leNew Deal, Roosevelt a sans doute sauvé le capitalisme. »
Quand on sait que Roosevelt jetait les lettres de Keynes à la corbeille sans même les ouvrir, on se rend vite compte de la manœuvre de Rohatyn qui veut faire croire que le Keynésianisme est un terme générique pour toute interventionnisme d’état et en particulier celui de Roosevelt.
Rohatyn continue en affirmant que sansl’intervention de FDR « durant la grande crise des années 1930, l’Amérique aurait pu basculer dans le socialisme. Aujourd’hui, nous sommes en général hostile, à l’intervention d’un Etat considéré, a priori, comme bureaucratique. Mais les dérèglements actuels prouvent que l’on ne peut pas se reposer totalement sur le marché ! Dans un pays où les ponts s’écroulent, des routes sont délabrées, où un ouragan comme Katrina détruit la Nouvelle Orléans et symbolise l’impuissance du gouvernement, comment peut-on encore prétendre que l’Etat n’a pas de rôle positif à jouer ? Le New Deal a prouvé que le gouvernement pouvait intervenir sans dénaturer le système. Aujourd’hui nous avons besoin d’un nouveau New Deal. »
Après ces affirmations séduisantes, arrive le moment de vérité : quand il s’agit de choisir le type de financements pour les grands projets, il ne dit pas un mot sur la nécessaire remise à plat de l’ensemble du système monétaire et financier international, sur laquelle tout grand projet devra s’appuyer.
Après avoir promu pendant des années la spéculation financière et les fusions/acquisitions qui ont égorgé l’industrie américaine et les villes qu’elle faisait exister, Rohatyn constate que le pouvoir central investit de moins en moins, alors « qu’il faudrait dépenser 1600 milliards de dollars sur cinq ans pour remettre simplement à niveau nos infrastructures essentielles. »
Au lieu d’imaginer un mécanisme capable d’émettre du crédit public à la Roosevelt, Rohatyn propose « une sorte de Banque mondiale en version domestique. Dotée au départ d’un capital d’environ 60 milliards de dollars par l’Etat, cette banque pourrait ensuite lever des fonds et emprunter de l’argent pour financer de grands projets. Elle n’assurerait jamais plus de 50% de l’investissement afin de conserver un fort lien avec le privé. »
Comme lors de son sauvetage de la ville de New-York avec son plan Big Mac, c’est par ce procédé que les banques prennent le contrôle des opérations au détriment de l’intérêt général, puisque ce sont elles qui fixeront les priorités en fonction de la simple rentabilité financière des projets en question.
Pour faire passer cette politique de Partenariat Public Privée (sous domination privée), Rohatyn affirme avoir mis sur pied depuis quelques années « un groupe bi-partisan d’hommes d’affaires, de politiques et d’universitaires. »
Rohatyn ne manque pas d’humour quand il raconte qu’on « ne peut pas compter uniquement sur le marché et sur la finance pour redistribuer plus ou moins équitablement les richesses » (…) « L’image des Etats-Unis a été ternie par la guerre en Irak. Aujourd’hui, la crise financière est un revers de plus. Nous n’avons pas donné l’image d’un pays d’investisseurs sérieux mais celle d’un pays de parieurs appâtés par le gain. C’est très mauvais. »
En accord total avec les projets « libéraux impérialiste » prônés par la clique de Robert Cooper à Bruxelles en faveur d’un « directorat » intégré entre l’UE et l’Otan, il se félicite de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence française, car « L’attitude du président Sarkozy envers l’Amérique va favoriser le rapprochement transatlantique. Cela pourrait aussi favoriser un retour de la France au sein du commandement intégré de l’Otan. Nous pouvons maintenant travailler ensemble et montrer la voie sur des sujets économiques, politiques et militaires. »