22 septembre 2008 (Nouvelle Solidarité) - Hollande, Attac, Jospin, Rocard, nombreux sont ceux qui évoquent désormais l’idée d’un Nouveau Bretton Woods face à l’effondrement du système monétaire et financier. Toutefois, pour que ce nouvel ordre soit juste, il va falloir arracher le pouvoir aux élites financières anglo-américaines et le remettre entre les mains des citoyens et de leurs élus. Mais pour gagner ce combat, il faut déjouer un des pièges les plus vicieux tendu par l’Empire Britannique : Lord John Maynard Keynes, Baron de Tilton.
Nous publions à cet effet un extrait d’une note de Jacques Cheminade :
« Contrairement aux vues
dominantes, le nouveau Bretton Woods n’est
pas d’inspiration keynésienne, mais le produit de
l’école de l’économie physique, celle de Leibniz,
Hamilton, List, Henry et Matthew Carey, et
Paul Cauwès en France. Keynes demeure dans
l’ordre monétariste, dont sa Théorie générale de
l’emploi, de l’impôt et de la monnaie ne constitue
qu’une variante qui s’inscrit dans la matrice
anglo-hollandaise et vénitienne. Nous devons ici
nécessairement résumer les choses, mais ce point
n’en est pas moins fondamental.
« Certes, Keynes établit qu’une augmentation des
dépenses d’investissement est nécessaire pour
stimuler une économie en état de dépression. Il
appelle à recourir à de grands travaux (autoroutes,
chemins de fer…) et à une politique de crédit
en faveur de travaux publics ou aux besoins de
l’armement, accompagnée d’une politique fiscale
stimulant la demande. Ainsi, il n’est pas un « libéral
orthodoxe ». Cependant, il reste dans l’ordre d’une
économie monétaire : il se situe au sein du système de
l’Empire britannique, dans lequel le profit financier
et la demande restent les marqueurs du succès
économique. Pour lui, le profit n’est pas réalisé par
l’accroissement même des capacités productrices
du travail humain, il n’est pas lié à l’accroissement
des pouvoirs créateurs du travail humain. Il ne
considère donc pas, dans ses choix économiques, la
valeur-technologie (l’accroissement de la capacité
de production par unité de surface, par être humain
et par ménage), mais le rapport entre production,
emploi et demande. Pour lui, l’investissement n’est
donc pas déterminé par la capacité créatrice induite,
comme pour tous les auteurs de l’économie physique,
mais par l’accroissement de l’échange de biens, de
distribution de salaires, de hausse de la consommation
et de circulation de monnaie qu’il permet.
« Keynes constitue donc une « béquille » du
système britannique, en s’efforçant d’introduire
l’investissement productif au sein d’un ordre
monétariste. Dans le nouveau Bretton Woods, au
contraire, la valeur devra être déterminée par la
« densité technologique », c’est-à-dire la qualité
du travail humain mobilisé. Il ne s’agit pas
d’acheter bon marché pour revendre plus cher, ni
d’employer un maximum de gens sans considérer la
qualité de leur travail, mais d’exprimer la capacité
de création humaine dans la transformation de
la nature par des découvertes et des innovations
exigeant un type d’opérateur toujours plus qualifié.
Le « prix » des produits sera alors déterminé par
la qualité de leur contribution à la dynamique de
l’ensemble. L’objet de l’Etat est d’inspirer et de
protéger cette dynamique.
« C‘est là tout le sens du nouveau Bretton Woods.
La preuve que le système keynésien était et
demeure une variante du système prédateur est
qu’il inspira la politique prédatrice du ministre
de l’Economie d’Hitler, Hjalmar Schacht. Dans
sa note à la traduction française de la Théorie
générale, publiée aux éditions Payot en 1942, Jean
de Largentaye le reconnaît volontiers : « Quant à
la politique monétaire appliquée en Allemagne
depuis 1933 par le Dr Schacht, il paraît malaisé
sans l’aide de la Théorie générale d’en comprendre
la nature et ses résultats. » On peut peut-être
juger l’argument comme étant lié à un contexte
historique exceptionnel. Il faut répondre à cela
qu’un disciple de Keynes, Abba Lerner, répliqua à
Lyndon LaRouche, lors d’un débat fameux qui se
tint en 1971 à l’université de Columbia, que les
politiques schachtiennes s’avéraient nécessaires,
dans le Brésil de ces années-là, afin d’éviter
l’imposition d’un fascisme politique en promouvant
un fascisme économique « à visage humain ». On
eut là-bas les deux. »
Approfondir : Face au krach financier : le Nouveau Bretton Woods (le vrai)