Basses manœuvres, désinformation, méthodes mafieuses... Pour certains barons du Parti démocrate comme pour les médias, tous les moyens sont bons, mais pas vraiment dignes d’un pays démocratique ni d’un Parti qui se veut démocrate. Bravant l’hostilité, Hillary Clinton s’avère tenace.
par Debra Hanania Freeman
Le 8 mai 2008 (LPAC), Washington — A moins que la sénatrice Hillary Clinton ne poursuive son offensive pour arracher l’investiture démocrate d’ici la Convention nationale en août, rien ne permet d’espérer que les Etats-Unis puissent se tirer de la spirale hyperinflationniste et de la nouvelle « grande dépression » qu’elle amène. La volonté de certains groupes financiers d’en finir avec sa candidature, comme ils le tentèrent de le faire avec Franklin Roosevelt en 1932, porte l’empreinte d’une réelle tentative de mettre en place un régime fort à leur service, à l’instar des régimes fascistes des années trente.
Les méthodes mafieuses utilisées par le patron du Parti démocrate, Howard Dean, et les manœuvres sournoises des mécènes de la campagne d’Obama ont de quoi inquiéter. Pendant que les médias dans le giron du magnat anglais Rubert Murdoch nous chantent que « Hillary, c’est fini », les électeurs ont prouvé, y compris en Floride, qu’elle reste une candidate sérieuse.
Les primaires qui se sont déroulées le 6 mai en Caroline du Nord et dans l’Indiana sont révélatrices. Entre sa victoire éclatante, le 22 avril en Pennsylvanie, et l’ouverture des bureaux de vote le 6 mai, tous les sondages indiquaient qu’Hillary Clinton avait le vent en poupe. La crédibilité de Barack Obama, par contre, en a pris un sacré coup lorsque son pasteur de longue date, le révérend Jeremiah Wright, a répété ses diatribes de « nationaliste noir » contre les Etats-Unis devant le National Press Club, le 29 avril. Obama a fini par désavouer son pasteur, mais les remarques de ce dernier ont jeté un sérieux doute sur l’honnêteté du candidat.
Divers sondages indiquaient que Mme Clinton devançait son adversaire de plusieurs points dans l’Indiana, Etat voisin de l’Illinois, fief d’Obama, et considéré, il y a quelques semaines encore, comme une victoire facile pour lui.
En Caroline du Nord, où Obama jouissait au départ d’une avance de 30%, l’écart s’était réduit à seulement 6 ou 7%. De plus, le jour du scrutin, des irrégularités ont été constatées. Alors qu’un nombre record de nouveaux électeurs (272000) s’y étaient inscrits sur les listes électorales, 80% d’entre eux se sont enregistrés comme démocrates ou indépendants, ce qui leur permit de participer à la primaire démocrate. Notez que la grande majorité se sont inscrits comme « indépendants », ce qui prend toute son importance lorsqu’on sait que 31250 républicains ont changé d’affiliation pour l’occasion, s’inscrivant comme « indépendant » de manière à pouvoir voter Obama pour éliminer Clinton, convaincus que leur champion républicain McCain l’emporterait plus facilement contre celui-ci.
En fin de compte, plus de 300000 nouveaux votants (plus de 20%), sur un total de 1,5 million, dont la vaste majorité n’étaient pas démocrates, ont pesé avec force sur les résultats. Les « indépendants » ont opté à 13 contre 1 pour Barack Obama. Normalement, on ne peut que se réjouir de l’inscription de nouveaux électeurs, mais une telle proportion laisse soupçonner une manipulation.
Pendant toute la soirée électorale, les deux candidats étaient au coude à coude, avec à peine un ou deux points d’écart dans l’Est de l’Etat, Hillary Clinton enregistrant même une nette avance dans l’Ouest. Dans les régions rurales qui composent 47% de l’électorat, elle était en tête ou talonnait le score d’Obama à un point près. Vers la fin, en l’espace de 17 minutes, tous les chiffres ont basculé, sauf dans l’Ouest, sans véritable explication. Barack Obama s’empressa alors de se déclarer vainqueur avec 56% des voix. Les analystes essaient encore de comprendre ce qui s’est passé et certains mettent en doute les résultats officiels.
Dans l’Indiana, tous les électeurs inscrits avaient le droit de participer à la primaire démocrate, qu’ils soient ou non membres de ce parti. Sur les 1,3 million de voix exprimées, 200000 sont venues d’indécis, dont la majorité a finalement choisi Obama. Bien que Mme Clinton ait eu une avance considérable de 7-9% durant toute la soirée, les grandes chaînes de télévision refusaient de reconnaître sa victoire*, affirmant qu’elles ne le feraient pas avant le décompte de toutes les voix dans la région nord-ouest de l’Etat, alors que le détail de ces résultats n’auraient pas changé la donne.
Obama reconnut la victoire d’Hillary Clinton dans l’Indiana bien avant les chaînes de télévision. Elle prononça son discours à 23h30, puis, beaucoup plus tard, les chiffres changèrent et sa victoire se résuma à un seul point d’avance sur son adversaire. Là aussi, les analystes n’en reviennent pas. Le lendemain, lorsqu’on demanda au sénateur de l’Etat, Evan Beyh, comment il pourrait expliquer cela, il répondit qu’il n’en avait pas la moindre idée, ajoutant qu’un recompte des voix donnerait beaucoup plus de voix à Hillary.
Un programme économique qui fait peur
Peu importe, diront certains, les résultats sont conformes aux prévisions : Clinton a remporté l’Indiana et Obama la Caroline du Nord. Mais les médias et certains décideurs du Parti les ont présentés comme une défaite cinglante pour la sénatrice. Les appels pour qu’elle abandonne la course, qui avaient d’ailleurs commencé dès le lendemain du premier scrutin, se sont faits assourdissants. (On pourrait ajouter que les médias européens, à la quasi-unanimité, ont repris ce credo. Autant pour l’honnêteté de l’information !)
En réalité, Wall Street considère le programme économique « protectionniste » d’Hillary comme une menace. Non seulement appelle-t-elle à une suspension temporaire des saisies de logement, mais elle met aussi en cause les nouveaux accords de libre-échange envisagés, comme celui avec la Colombie, ou ceux déjà conclus par les Etats-Unis, en particulier le fameux Accord de libre-échange nord américain (ALENA, ou NAFTA en anglais).
Par ailleurs, elle irrite les compagnies pétrolières avec sa proposition d’alléger les taxes sur l’essence pour les consommateurs, en les transférant aux sociétés pétrolières qui ont engrangé des profits record grâce à la hausse du baril. Dans un entretien avec le présentateur de télévision George Stephanopoulos, elle s’insurge : « Lorsque le gouvernement fédéral a donné 30 milliards de dollars pour renflouer [la banque spéculative en faillite] Bear Stearns, je n’ai vu personne se lever pour protester »
Les voix
Ce ne sont certes pas les propos d’une candidate prête à abandonner. Par ailleurs, si Howard Dean et Nancy Pelosi sont aussi certains qu’Obama gagnera haut la main à la Convention du mois d’août, pourquoi exercent-ils des pressions aussi féroces sur les super-délégués, surtout sur les Afro-Américains, pour qu’ils se prononcent dès maintenant pour lui ? La direction du Parti leur fait aussi miroiter des postes alléchants et bien rémunérés s’ils s’alignent sur son choix.
Heureusement, rien n’est encore joué. Il reste encore à déterminer comment les 368 délégués de la Floride et du Michigan, deux Etats remportés par Hillary Clinton (Obama ne s’étant pas présenté dans le Michigan), seront représentés à la convention. Pour l’instant, la direction refuse de prendre en compte leurs voix, parce que la date des scrutins n’était pas conforme aux règles du Parti (voir encadré). La Floride représente tout de même 185 délégués et 26 super-délégués. Cette question sera examinée le 31 mai, lorsque la commission des règlements du Parti se réunit.
Reste aussi à savoir comment voteront les quelque 850 super-délégués. Rappelons qu’ils s’agit surtout d’élus et autres dignitaires du Parti qui, contrairement aux délégués ordinaires, ne sont pas tenus de respecter le résultat de la primaire dans leur Etat respectif, mais sont appelés à voter en leur âme et conscience.
Les règles précisent que ce processus permet au Parti de mieux réagir à « des changements de circonstance, surtout lorsque ces changements peuvent rendre la décision des électeurs moins claire ». Ils sont « censés exercer leur meilleur jugement dans l’intérêt de la nation et du Parti démocrate ».
En l’occurrence, la crise financière et économique va certainement s’aggraver d’ici la Convention, changeant effectivement considérablement les circonstances. Dans cette perspective, Hillary Clinton ne cesse de pousser son programme, alors que Barack Obama évite soigneusement de proposer quoi que ce soit à ce sujet.
Pour ce qui est de l’intérêt du Parti démocrate, presque tous les sondages indiquent que contrairement à Barack Obama, Mme Clinton serait tout à fait capable de battre le candidat républicain John McCain.
Des sources fiables, proches des Clinton, ont révélé qu’au lendemain des primaires du 6 mai, certains membres haut placés de l’élite politique américaine ont appelé les Clinton pour les informer que, « bien que ce ne soit pas [ma] position personnelle », on ne permettrait jamais à Hillary Clinton de remporter l’investiture et que si, par malheur, elle l’obtenait, elle n’arriverait jamais jusqu’à la Maison-Blanche. La conclusion de ces messages était, apparemment, que dans le cas contraire, sa présidence serait la plus courte de l’histoire. Une menace on ne peut plus explicite...
Pour l’oligarchie financière de Londres et de Wall Street, si Hillary et Bill Clinton se retrouvent à la Maison Blanche, la présidence exercerait plus d’indépendance et de pouvoir qu’elle n’en peut tolérer. Il est vrai que l’engagement de Mme Clinton envers les classes moyennes et plus modestes et la crainte que certaines de ses politiques aillent un peu trop dans la direction de celles proposées par Lyndon LaRouche, ont, selon ces financiers, franchi la ligne rouge...
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Notes :
*Aux Etats-Unis, contrairement à la France, les chaînes de télévision ont le droit d’annoncer quand elles le veulent « le vainqueur » d’un scrutin, sur la base de leurs propres estimations et sondages, sans attendre les résultats officiels ni même la fermeture des bureaux de vote. Ils peuvent ainsi exercer une influence considérable sur les résultats, par exemple en annonçant la victoire de tel ou tel candidat, provoquant la démobilisation des électeurs de son adversaire.