Paris, le 30 juillet (Nouvelle Solidarité)— De retour de Dublin le 22 juillet, le Président français Nicolas Sarkozy a dû se sentir, juste un instant, comme Napoléon battant en retraite face à la Russie. Non seulement il a eu a supporter le déploiement par les opposants au traité d’un sosie déguisé en Kermit la grenouille, mais son souhait que le gouvernement irlandais organise un nouveau référendum sur le Traité de Lisbonne s’avère une illusion de taille. Un sondage britannique, publié le 27 juillet, indique que les Irlandais seraient même plus nombreux à rejeter le traité que lors du référendum du 12 juin, et que 71% d’entre eux sont tout simplement contre un second référendum.
Si l’Irlande ne revoit pas sa position – ce qui est vraisemblable – le traité ne pourra pas être approuvé. L’alternative est d’écrire un nouveau texte, mais pour cela, il faut l’accord préalable de chacun des vingt-sept Etats membres. La ratification du Traité de Lisbonne est donc une non-proposition. Cependant, cela implique que la loi de l’UE qui doit être adoptée en 2009 sera le traité de Nice, qui s’avère même pire sur plusieurs points.
Néanmoins, la machine de l’UE reste déterminée à aller de l’avant, comme si les Irlandais n’avaient jamais voté. Le dirigeant de la Commission européenne, José Barroso, s’active en Italie pour garantir que le Parlement italien ratifie le traité courant juillet. Tout report serait un signal politique fort venant de l’un des fondateurs de l’UE.
Le quotidien italien Italia Oggi rapporte le témoignage de Barroso devant la commission des Affaires étrangères du Parlement, dans lequel il admet candidement la nature anti-démocratique de la Tour de Babel de l’UE. « Comme les politiciens aux niveaux national et européen, nous devons prendre des décisions impopulaires, c’est vrai. » S’il y avait eu un référendum sur l’euro il y a dix ans, dit-il, pensez-vous que les gens l’auraient approuvé ? « Soyons honnêtes. Est-ce que l’Allemagne voterait "oui" ? » demanda-t-il de manière sentencieuse.
« Les Etats membres [de l’UE] ne peuvent décider des questions politiques les plus importantes par des référendums continuels, et il n’y a aucune raison que l’Europe échappe à cette règle », dit Barroso, en bon sophiste, mettant les changements constitutionnels, qui requièrent un vote populaire si les enjeux l’exigent, sur le même plan que les décisions plus ordinaires des gouvernements.
Cette mobilisation a abouti à la ratification par le Sénat italien, le 23 juillet. Selon des sources de l’EIR, une pression immense a été exercée sur la Ligue du Nord pour voter à l’unanimité. Cependant, la Chambre des députés doit encore voter, et la commission des Affaires étrangères préfère reporter sa décision à septembre, ce qui serait une défaite politique pour le parti pro-Lisbonne.
En même temps, certains politiciens européens intelligents réalisent que le Traité de Lisbonne est fini et le disent ouvertement. Le 23 juillet, William Hague, porte-parole des conservateurs britanniques pour les Affaires étrangères, appela les dirigeants européens à « officialiser la mort du Traité de Lisbonne ». Au cas où le Parti conservateur gagnerait les élections, prévues pour 2010, « nous reviendrions sur la ratification par la Grande-Bretagne et nous la soumettrions à un référendum auquel nous conseillerons de voter « non », dit Hague – à moins que le traité ne soit ratifié par l’Irlande. Les conservateurs devancent actuellement de vingt points les travaillistes et les chances d’élections anticipées augmentent alors que la crise économique se durcit de jour en jour en Grande-Bretagne.
En Allemagne, le site internet de gauche Telepolis a publié une interview du professeur Karl Albrecht Schachtschneider au sujet du Traité de Lisbonne, dans lequel il soulève, entre autres, un angle économique important. Selon lui, le cycle de Doha de l’OMC est sur le point d’échouer, parce que l’Europe, telle qu’elle se présente aujourd’hui, n’offre aucun avantage social ni économique aux nations du secteur en développement, ni même ne sert les intérêts de l’Europe. Les traités existants de l’UE accordent au moins quelque protection contre les effets de la mondialisation totale, via des règles de compétition des marchés, mais le Traité de Lisbonne éliminerait tout cela, laissant les producteurs européens sans défense face aux marchés mondiaux. De plus, le bien-être social et les principes démocratiques de l’Europe seraient sacrifiés, avertit Schachtschneider.
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