27 août 2007 (Nouvelle Solidarité) - Bernard Kouchner ne mâche pas ses mots. Exercice à haut risque dans la poudrière irakienne qui divise même le sommet de l’exécutif américain. Car George Bush, dont la cohérence mentale est désormais légendaire, n’hésite pas à affirmer un jour que le premier ministre al-Maliki n’est pas à la hauteur de la tâche, et à dire le lendemain que c’est « un type bien » et que « Ce n’est pas aux politiciens de Washington de dire s’il doit rester à son poste. C’est au peuple irakien, qui vit aujourd’hui en démocratie, et non en dictature ».
Si l’on ne peut pas exclure un partage des rôles dans la crise irakienne entre Washington et Paris, on aurait tort de voir Paris simplement alignée sur la politique de Cheney-Bush. Dans un commentaire, publié aujourd’hui simultanément dans l’International Herald Tribune et Libération, Kouchner écrit que « Chacun le sait, la France n’a pas soutenu l’intervention de la Coalition en 2003. De fait, même si celle-ci a permis d’abattre une dictature sanguinaire, la méthode employée pour bâtir un Irak sûr et démocratique n’a pas été la bonne. C’est le moins que l’on puisse dire. Le bilan est terrible. Il faut tourner la page, s’y prendre autrement. Il n’existe pas de solution militaire durable à cette crise, mais seulement une solution politique. Si les Irakiens eux-mêmes, y compris les plus hostile à la présence américaine, ne souhaitent pas un départ immédiat des troupes étrangères, leur retrait, néanmoins, doit être programmé, en concertation avec les autorités irakiennes ».
Alors, la diplomatie française, désormais engagée à jouer les bons offices dans le conflit irakien, a-t-elle été victime de la confusion qui règne à Washington ? C’est la question qu’on se pose suite aux « scandaleuses » déclarations confuses de Kouchner qui risquent de jeter le discrédit sur l’initiative française.
Interrogé par Christopher Dickey du magazine Newsweek dans son numéro à paraître sur ce que la France suggérait pour résoudre la crise irakienne, Kouchner est cité : « Pleins de gens pensent que le premier ministre [Nuri al-Maliki] devrait être remplacé. Je ne sais pas si ça se fera, car le président Bush est attaché à M. Maliki. Mais le gouvernement ne fonctionne pas. » Newsweek pose alors la question : « Pensez-vous qu’il y a en Irak un fort sentiment que Maliki devrait partir ? » Kouchner : « Oui. Je viens d’avoir Condoleezza Rice au téléphone il y a 10-15 minutes, et je lui ai dit, “Ecoutez, il doit être remplacé”. Il y a pas mal de soutien, par exemple, pour Adel Abdel-Mahdi [un des vice-présidents] qui est un type impressionant, et pas seulement parce qu’il a fait ses études en France. Il est solide. Parmi les gens disponibles, il est généralement vu comme la personne capable pour avoir ce poste. »
Dimanche, les déclarations de Kouchner ont conduit le premier ministre irakien al-Maliki, fortement critiqué par Bush et dont le départ est réclamé par les démocrates et Hillary Clinton, à exiger des excuses de Paris, disant de Kouchner qu’il « était content qu’il soit venu » en visite à Baghdad et donc assez « surpris qu’il fasse une telle déclaration, qui en aucune manière ne peut être qualifiée de diplomatique ».
Dès lundi, Koucher déclara à RTL que « Si le premier ministre M. Maliki veut que je m’excuse d’avoir interféré dans les affaires irakiennes de façon aussi directe, je le fais volontiers ». Car, a-t-il précisé, il s’agit d’un regrettable malentendu : « J’aurais dû dire encore une fois, je le répète, qu’il s’agissait de propos qui étaient tenus par mes interlocuteurs que j’étais justement venu entendre. Si ça a mal été interprété, j’en suis désolé. »
Si la partition française n’est pas mal écrite, on a quelques doutes sur le chef d’orchestre et les interprètes, sans parler du diapason.