par Helga Zepp-LaRouche
11 septembre 2008 (LPAC) — La chute du Président Moucharraf menace la stabilité de toute la région, et même au-delà. Rares sont les voyages suivis avec autant d’attention politique internationale que celui que vient d’effectuer le vice-président américain Dick Cheney en Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine et Italie. Après tout, Sergueï Markov, conseiller des Affaires étrangères du Parlement russe, ne vient-il pas d’affirmer que c’est Dick Cheney lui-même qui a « donné l’ordre » à la Géorgie d’attaquer l’Ossétie ?
Entre-temps, les indices s’accumulent selon lesquels des conseillers militaires et cent vingt-sept soldats américains ont pris part aux hostilités du côté géorgien. Même les conseillers de l’OSCE en Géorgie ont reconnu, certes tardivement, que l’agression a été clairement lancée par Tbilissi. On ne saurait s’étonner, dans ces conditions, de la parution dans les médias russes de centaines d’articles sur le voyage de Cheney.
Evidemment, dans tous ces pays, le vice-Président américain pèse en faveur des intérêts anglo-américains, dans la tradition du « grand jeu » impérial britannique. Il s’agit, entre autres, du gazoduc Nabucco, que les Etats-Unis et l’UE promeuvent comme alternative au gazoduc South Stream qui part de la Russie et traverse la Bulgarie pour rejoindre l’Autriche et l’Italie. Dick Cheney a assuré une fois de plus à la Géorgie qu’elle aurait sa place dans l’OTAN, tout en déposant sur la table de ses hôtes un milliard de dollars américains.
En même temps, le porte-drapeau de la flotte américaine en Méditerranée, le USS Mount Whitney, vient d’amarrer dans le port géorgien de Poti ; selon les Américains, l’objectif est de livrer de l’aide humanitaire, mais on peut se demander pourquoi ils n’ont pas préféré envoyer des bateaux cargo. Et l’encerclement de la Russie s’intensifie : une délégation de vingt-six Etats de l’OTAN doit débarquer le 15 septembre à Tbilissi pour constater les dégâts causés par la contre-offensive russe sur la Géorgie.
Néanmoins, comme l’a relevé Lyndon LaRouche, du fait même que le monde entier surveille les menées de Cheney, ce n’est pas le théâtre stratégique le plus important. La principale cible de la politique de déstabilisation britannique en ce moment est plutôt le Pakistan, avec toutes les conséquences que cela devrait avoir sur l’Afghanistan, sur la sécurité de l’Inde et ,à moyen terme, sur l’Iran. Depuis que les Britanniques et les Saoudiens, secondés par les Américains, ont forcé le président Pervez Moucharraf à démissionner, l’instabilité s’étend dans le pays.
Le Premier ministre pakistanais Yousaf Raza Guillani, a échappé la semaine dernière à un attentat contre le convoi escortant sa voiture, près de l’aéroport d’Islamabad. Au moins vingt civils, dont des femmes et enfants, ont été tués lors d’une attaque de la Force d’assistance américaine (ISAF) contre le village pakistanais de Wasiristan, proche de la frontière afghane. Pour le gouvernement, le parlement et l’armée du Pakistan, cette attaque constitue une atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Pakistan et une violation de la Charte de l’ONU. Selon eux, il n’y avait aucun indice d’activité ni de présence d’al-Qaida dans la région. Depuis, deux autres attaques ont été menées au moyen de drones, faisant à nouveau des morts et des blessés parmi la population civile.
Pour le porte-parole de l’armée pakistanaise, le général Athar Abbas, ces attaques sont totalement contre-productives : provoquer le soulèvement de tribus locales rendrait le combat contre le terrorisme d’autant plus ardu et mettrait en danger les lignes de ravitaillement de l’OTAN allant du Pakistan vers l’Afghanistan.
Et ce, alors que la situation en Afghanistan échappe déjà à tout contrôle. Quand on sait que la Russie conditionne l’avenir de la coopération et le ravitaillement de l’OTAN en Afghanistan à l’attitude de l’Ouest en Géorgie, on doit sérieusement se demander à qui profitent ces attentats.
Conséquences régionales en Inde
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La détérioration de la situation en Afghanistan et au Pakistan a des conséquences directes sur la sécurité de l’Inde et de la Chine. Dans la province indienne du Cachemire, des réseaux terroristes basés au Pakistan soutiennent les rebelles, tandis que les enquêteurs indiens suivent la piste de contrôleurs britanniques et américains derrière les récents attentats terroristes dans leur pays. Il existerait aussi des liens entre les sécessionnistes Ouïgours, de la province chinoise du Xinjiang, et différents réseaux au Pakistan. Ceux sont là différents éléments d’une déstabilisation traversant l’« arc de crise » défini par Bernard Lewis, qui va de la Corne de l’Afrique jusqu’au sous-continent indien, en passant par le Proche et le Moyen-Orient.
L’Inde, qui subit déjà une attaque de la part de vautours financiers occidentaux, d’une ampleur comparable à celle lancée contre la Russie de l’ère Eltsine, vient d’être bouleversée par un autre scandale, qui risque de faire voler en éclat le traité américano-indien sur l’énergie nucléaire, considéré par les scientifiques indiens comme une braderie des intérêts nationaux. Le Premier ministre Manmohan Singh, qui vient d’échapper de justesse à un vote de censure au parlement en raison de ses proches liens avec George Bush, fait désormais face à une crise encore plus grave.
Depuis le 13 août 2007, Singh assure au parlement indien qu’en vertu de ce traité bilatéral, les Etats-Unis garantiront l’approvisionnement de l’Inde en combustible nucléaire. A Washington, la Maison Blanche avait interdit au Congrès de divulguer les détails du traité, mais l’ordre n’a pas été respecté par le député Howard Berman, qui vient de rendre publiques vingt-six pages de réponses écrites de l’administration Bush aux questions posées par le Congrès. Or, ces réponses contredisent les assurances données par le Premier ministre Singh.
En effet, il en ressort que l’Inde ne sera plus autorisée à mener des essais nucléaires, ni à constituer des réserves stratégiques de matériel nucléaire, ce qui est inacceptable pour ce pays d’un milliard d’habitants et détenteur d’armes nucléaires, car il s’agit d’une limitation inadmissible de sa souveraineté nationale et de son statut de future Grande Puissance. Ce scandale risque de coûter au Premier ministre son poste.
Bien des incertitudes
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Au cours des deux prochains mois nous séparant des élections présidentielles aux Etats-Unis, les tensions stratégiques vont aller en s’intensifiant. Nul ne peut dire qui sera le prochain Président américain : McCain a avoué qu’il ne connaît pratiquement rien aux questions économiques, tandis qu’Obama n’a pas cru bon de faire une seule allusion à la nature systémique de la crise financière. Dans ces deux mois à venir, la crise financière risque de bouleverser tous les calculs.
Depuis longtemps, les capitales du monde craignent que l’administration Bush ne lance une attaque contre l’Iran avant de quitter le pouvoir. Compte tenu de l’instabilité rampante dans le Caucase, en Europe de l’Est, au Proche et Moyen-Orient et sur le sous-continent indien, les conséquences seraient terribles.
La « vieille Europe » – Italie, France, Allemagne – vient heureusement de refuser de se joindre à la politique d’affrontement de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis vis-à -vis de la Russie. Mais le vide au sommet, l’absence de leadership, fait très peur.
La seule issue possible serait une concertation entre plusieurs nations déterminées à s’attaquer à la crise à la racine et à remplacer le système actuel en faillite par un nouveau système de Bretton Woods. On peut se féliciter de l’intensification des discussions sur le sujet en Italie, en France, en Russie. Ce n’est que si l’on parvient à réunir un groupe de pays suffisamment puissant pour rejeter les conceptions de la politique impériale — stratégie de tension, rapport de forces, géopolitique, guerre larvée, etc. — et pour mettre en oeuvre les mesures proposées par Lyndon LaRouche, qu’une issue positive à la crise deviendrait possible.
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