En pleine campagne présidentielle, le 20 février 2007, Michel Onfray (philosophe sensualiste qui propose une théorie de l’hédonisme défendue dans une vingtaine d’ouvrages) débat avec le candidat Nicolas Sarkozy sur les valeurs de notre civilisation (Philosophie Magazine, n°8).
Au cours de l’entretien, la conversation dérive sur l’hérédité génétique et selon M. Sarkozy, « la part de l’inné est immense » chez les candidats au suicide, à la pédophilie... La récente « découverte » par des généticiens d’un gène de la violence sur des mouches drosophiles guiderait-elle les prises de positions du futur président de la République ?
Quelle mouche les pique ?
Un peu d’histoire sur les sociétés eugéniques du début du XXe siècle nourrira notre commentaire. Francis Galton (1822-1911), fondateur de l’Ecole de biométrie (mesure du vivant), a construit ses théories génétiques sur des études purement phénoménistes (des données comportementales apparentes), comme nous allons le démontrer. Dans la même lignée philosophique, Thomas Hunt Morgan (1866-1945), père de la théorie génétique du XXe siècle, travaille sur la drosophile (mouche à vinaigre). Sa recherche sera uniquement basée sur des données épigéniques (externes) pour affirmer l’existence de gènes internes déterminés sur les chromosomes. La science comportementale généticienne du XXe siècle a gardé jusqu’à aujourd’hui la drosophile comme principal sujet d’étude. Le déterminisme génétique avancé par la découverte des gènes chromosomiques de la drosophile de Morgan était et reste la base de la « découverte » de gènes prouvant les déviances qui ont justifié les politiques malthusiennes du siècle.
En préliminaire, quelques explications pour le néophyte :
Depuis le début du XXe siècle, l’approche matérialiste et empirique des chercheurs généticiens sur le comportement des êtres vivants est la philosophie dominante. C’est par l’accumulation des faits reproduits à l’identique que le chercheur cherchera à prouver sa « découverte ». Pour cela, dans un premier temps, le chercheur cible un comportement apparent sur des individus vivants (ex : la drosophile). Puis il amasse les faits qui conforteront ce qu’il cherche à prouver (la répétition d’une forme comportementale) et ces faits répétés deviendront la preuve externe de l’existence d’un gène comportemental physiologique interne. Dès lors, pour conforter sa trouvaille, le généticien s’évertue à prouver l’existence de ce gène. Il essaie de contrôler la reproduction d’un comportement similaire sur d’autres individus ou lignées d’individus, par éliminations et accouplements successifs. Parfois même, le chercheur « arrange » un peu les faits collectés en éliminant les éléments qui parasitent le processus vers une similitude totale. Il faut ici noter et répéter que toutes ces expérimentations sont faites sur des données comportementales externes. Au bout d’un certain temps et à force d’accumulations de faits bien contrôlés, le chercheur affirme avoir fait la « découverte » de l’existence biologique interne du comportement recherché. Il le nommera « gène codant untel ». Dès lors, le gène comportemental (épigénique) devient génétiquement prouvé par la force pure de la statistique. Il faut répéter à nouveau qu’à aucun moment la preuve expérimentale d’une donnée physiologique interne n’est nécessaire. Seules les apparences comptent.
Conclusion : dans la « découverte » en génétique où la statistique est la loi, toute méthode d’hypothèse expérimentale apportant des preuves physiologiques et biologiques réelles devient inutile et non avenue (CQFD).
T.H. Morgan a été soutenu et financé par son cousin John Pierpon Morgan, fondateur de la banque du même nom. Les premières campagnes promues par les sociétés eugéniques de stérilisation des « tarés », qui avaient démarré dès la fin du XIXe siècle, prirent un coup d’accélérateur. En 1907, sous Théodore Roosevelt, les eugénistes états-uniens pratiquaient la stérilisation forcée de malades, chômeurs, pauvres, délinquants ou soûlographes pour empêcher toute descendance du même type. Ces campagnes de stérilisation de « tarés » ont perduré dans certains pays du nord de l’Europe jusque dans les années 1970. Ces théories ont été reprises par l’idéologie nazie avec les conséquences désastreuses menant à la solution finale avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale. Si Galton est l’inventeur du mot eugénisme (sélection des enfants de bonne naissance), il faut signaler que Thomas Hunt Morgan a soutenu le Parti nazi. Sa mort en 1945 lui a évité un passage devant le tribunal de Nuremberg.
Sarkogène
Il y a un peu plus d’un an, une équipe de chercheurs de l’Institut des neurosciences de San Diego annoncent la découverte du gène codant (Cyp6a20) d’une « vraisemblable » agressivité de la drosophile. L’étude portait sur le comportement de 90 de ces petits insectes enfermés dans une cage de verre. Certains mâles auraient marqué et défendu leur territoire avec beaucoup de pugnacité. Il faut malgré tout préciser que les généticiens ne sont pas encore parvenus à un accord total sur le rôle exact de ce gène mais... ils estiment, malgré tout, que les résultats sont suffisants pour les transposer aux recherches sur les humains.
En France, début 2005, l’expertise Inserm sur « les troubles de conduite chez l’enfant » dès l’âge de 3 ans incluait dans son rapport la découverte du gène de la violence pour justifier la surveillance d’enfants « prédestinés », dès l’école maternelle. Le gouvernement de l’époque envisageait la mise en place d’un carnet de comportement suivant les enfants jusqu’à l’université. De plus, les informations sur les « déviances » des enfants devaient être signalées au maire par les professionnels de l’éducation et de la santé (loi du 5 mars 2005). Tout comme pour le « dossier médical personnel » (voir le Nouvelle Solidarité du 20 avril 2007), la remise en cause de la confidentialité sur les informations personnelles de santé se fait au profit d’un flicage génétique. Voilà comment une docile drosophile, soudainement pleine de fiel, devient un insecte violent et s’insinue dans un débat politique sur la prédestination génétique des déviances comportementales.
Suite à une mobilisation de l’association Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans, l’Inserm n’enquête plus que sur les comportements violents chez les enfants de 8 à 11 ans. La loi, par contre, reste inchangée. Au cri d’alarme lancé par l’association susdite, Nicolas Sarkozy répondra par un courrier daté du 18 avril 2007 : « Avant de présumer que celle-ci est néfaste [la loi du 5 mars 2005, ndla], laissons-nous le temps nécessaire pour en apprécier sereinement, sachant qu’elle se fonde sur une réalité... ». Il ne faut donc pas s’étonner que, face à Michel Onfray, Nicolas Sarkozy affirme que l’homme naît « bon ou mauvais ». Dans son Portrait de Nicolas Sarkozy (« Le cerveau d’un homme de droite », Boston, USA, mardi 3 avril), Michel Onfray ajoute : « Dans la conversation, il confie qu’il n’a jamais rien connu d’aussi absurde que la phrase de Socrate "Connais-toi toi-même". Cet aveu me glace... ». Pour Nicolas Sarkozy, il vaut sans doute mieux connaître en détail la vie privée de chaque habitant de France.
Protégés/protecteurs
La prédisposition génétique à certains comportements sociaux dont parle Nicolas Sarkozy n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait en penser, à caractère racial. Il se définit lui-même comme « un petit Français au sang mêlé » qui, à force de pugnacité, s’est hissé au sommet du pouvoir. Une destinée qui semble tracée par un soutien ultra-libéral sans gène modifié car pour y parvenir, la lignée de protégés/protecteurs financiers est très marquée. Il est vrai que la caste financière qui le soutient a parfois un comportement social déviant, mais il ne pourrait certainement pas s’agir d’une prédisposition à une délinquance maffieuse visant à piller les ressources de l’Etat. La preuve par les faits reste à « découvrir ».
Les troubles de conduite des grands délinquants ne sont pas encore à l’étude dans les laboratoires de l’Inserm. Pourtant certains gêneurs mériteraient une surveillance épidémiologique particulière. Voici quelques faits à analyser : juste après sa victoire aux élections, c’est grâce à ces relations amicales que Nicolas Sarkozy a pu prendre quelques jours de « vacances » sur l’île de Malte en acceptant l’invitation de l’industriel et yachtman Vincent Bolloré. Pour s’y rendre, la famille Sarkozy a pris un Falcone 900 du groupe Bolloré. Ce qui n’aurait pas coûté un sou aux Français, « ... parce que, dit le nouveau président de France, il n’a jamais travaillé avec l’Etat ». Vincent Bolloré a appuyé la déclaration de son ami Nicolas en déclarant que son groupe « n’a jamais eu aucune transaction avec l’Etat Français ». Petits mensonges ? Peut-être ! Le tout est de ne pas se faire prendre.
Le milliardaire Vincent Bolloré réalise 20 % (5,6 milliards d’euros) de son chiffre d’affaires en Afrique, mais il affirme ne pas passer de « gros marchés » avec l’Etat français. Car qui dit « gros marchés » dit possibilité de commissions juteuses. Pourtant, le BOAMP (Bulletin officiel des annonces de marchés publics, annonce O41C, dépt 75) présente dans le Journal officiel plusieurs marchés conclus entre l’Etat français et SDV, société du Groupe Bolloré, notamment par la valise diplomatique fret. Un des transports a été exécuté à la demande et pour le compte du ministère de la Défense pour une valeur estimée à 36 millions d’euros (cliquez ici pour les détails) à la date d’attribution du marché du 17 juin 2005 (source : Rue89, 11/05/2007). Pourrions-nous affirmer que la lignée de protégés/protecteurs de Nicolas Sarkozy est tout simplement sans gène ?
Petite et grande délinquance
Revenons maintenant aux petits délinquants prédestinés génétiquement. Début mai 2007, deux jeunes malfrats font main basse sur des joujoux. Non, pas des bijoux, des joujoux. Ils ont 8 et 11 ans. Les parents l’apprennent, paient immédiatement la somme de 50 euros au commerçant et jettent les jouets à la poubelle. La police frappe au domicile. C’est là que l’affaire se corse car la police demande à prendre les données génétiques des deux jeunes « racailles » pour les enregistrer au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Le FNAEG a été créé en 1998, après l’arrestation du tueur en série Guy Georges, pour pister les pédophiles, délinquants et criminels sexuels. Révolté, le père alerte la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat de la magistrature. L’affaire fait grand bruit dans la presse nationale.
La police recule. Non pas parce qu’elle n’est pas dans son droit, mais cette affaire fait désordre au sein d’une campagne électorale qui bat son plein. Par contre, il faut souligner que depuis le 19 mars 2003, la loi de sécurité intérieure de Nicolas Sakozy a étendu le champ d’application du FNAEG à presque tous les délits (vols à l’étalage, dégradations d’abri-bus compris). Une loi pour tous ? Non, pas pour les protégés/protecteurs de Nicolas Sarkozy. Les usagers des stupéfiants y échappent, comme la clientèle « pipole » du Fouquet’s, grande consommatrice de paradis artificiels, ainsi que l’un de ses habitués, M. Jean-Philippe Smett, accroc à la cocaïne (il s’en vante), et les auteurs d’abus de biens sociaux aussi...
Pour conclure, une citation du discours d’investiture de Nicolas Sakozy, le 14 janvier 2007 : « Cette émotion qui me submerge au moment où je vous parle, je vous demande de la recevoir simplement comme un témoignage de ma sincérité, de la vérité de mon amitié ». Une amitié exclusive et partagée entre espèces génétiquement sélectionnées et promues.