24 octobre 2008 (Nouvelle Solidarité) – Le Canard Enchaîné de cette semaine donne quelques pistes sur le difficile dialogue entre Nicolas Sarkozy, porteur d’une dynamique en direction d’un nouveau Bretton Woods, et une Amérique enlisée dans ses préoccupations présidentielles.
En l’absence de réaction à « sa » proposition de nouveau Bretton Woods, formulée le 23 septembre à la tribune des Nations Unies au nom des 27 pays membres de l’UE, Nicolas Sarkozy a pris les devants.
Avant de rencontrer le président George W. Bush, le 18 octobre à Camp David, Sarkozy, lors d’une conversation téléphonique avec le président américain, le 14 octobre, l’a amicalement prévenu : « Si tu n’organises pas ce sommet, tu vas sortir à poil ».
Cependant, rapporte le Canard, « dans l’avion qui vole vers le Québec (où se tenait le sommet de la francophonie), le chef de l’Etat français a découvert, furieux, que les Américains voulaient imposer une déclaration commune avant la rencontre Sarko-Bush à Camp David et non après l’entretien entre les deux présidents ». Les protestations de Sarkozy n’y ont rien fait.
En outre, Sarkozy proposait le 21 novembre comme la meilleure date pour la tenue de la première conférence. Bush refuse et propose une date avant les élections américaines du 4 novembre, oubliant que le passage du pouvoir américain ne devient effectif qu’en janvier 2009.
De plus, le matin du 18 octobre, jour de la rencontre, le Wall Street Journal révèle l’affaire DSK – connue depuis février par le comité éthique du Fonds— alors que le président français compte redonner un rôle majeur au FMI et qu’il avait plaidé la candidature de DSK en septembre 2007.
Au passage, Sarkozy abandonne l’idée d’un grand sommet au profit d’une série de petits. Jean-Claude Trichet (BCE), Christian Noyer (banque de France) et quelques autres font valoir qu’une seule réunion risquait, en cas d’échec, et vu la complexité des problèmes à traiter, d’entraîner une nouvelle bérézina des marchés. Après tout, la conférence de Bretton Woods de juillet 1944 avait duré trois semaines…
Enfin, mercredi 22 octobre, la Maison Blanche annonce soudain la tenue d’un G-20 le 15 novembre, dans les environs de Washington. Rappelons que le G-20, à l’origine un sommet de ministres des Finances, comprend les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume uni, l’Italie, le Japon, le Canada, la Russie, l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Mexique, l’Indonésie, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Australie, la Corée du Sud et l’UE. Devront également participer : Ban Ki-Moon, directeur général de l’ONU, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, ainsi que Mario Draghi, qui préside le Financial Stability Forum.
Selon la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino, « les dirigeants passeront en revue les progrès accomplis dans les efforts destinés à affronter la crise financière ; progresser dans une compréhension de sa cause et, afin d’éviter qu’elle se répète, trouver un accord commun sur un ensemble de principes pour la réforme des régulations des secteurs financiers planétaires. Ces principes pourront être développés lors de groupes de travail en vue des sommets ultérieurs, comme annoncé samedi soir par les présidents Bush, Sarkozy et le président de la Commission européenne Barroso. »
Mais les commentaires de Mme Perino traduisent le manque de sérieux de l’administration américaine sur ce sujet. Bien que l’on puisse comprendre les contraintes pratiques imposées par un calendrier accéléré par la crise financière, elle affirme sans hésitation que le sommet se tiendra dans les environs de Washington, car « cela permettra d’en réduire les coûts ». Après avoir offert sur un plateau d’argent (c’est le cas de le dire) 700 milliards de dollars pour conforter les spéculateurs dans leurs folies, il y a de quoi rester rêveur !
Ensuite, et c’est le grand danger, Mme Perino rassure ces mêmes spéculateurs qu’il ne s’agira que « de définir des principes ». Pour l’action, il va falloir attendre, car le dossier sera transmis aux « experts financiers » qui, eux, sont supposés donner de la chair à cette ossature… Exit donc le retour du politique que Sarkozy appelle, avec raison, de ses vœux.
Interrogé sur son éventuelle participation à ce sommet, Barack Obama estimé qu’il était « trop tôt » pour se prononcer sur le sujet.
Aujourd’hui, Le Figaro note que « la Maison-Blanche a élargi au maximum le format de cette conférence, en invitant vingt pays autour de la table. L’Elysée y a vu une habileté américaine pour compromettre les chances de succès de cette initiative qui laisse en partie sceptique l’establishment républicain ».
Parlant à Argonay, ce jeudi 23 octobre, Sarkozy, bien que satisfait que la proposition d’un nouveau Bretton Woods se concrétise par un premier sommet aux Etats-Unis, s’exclamait : « Ce sommet, cette réunion ne devrait pas être une réunion pour rien ; et je n’irai pas assister à un rendez-vous manqué ».
Aujourd’hui, le président en exercice de l’UE est à Pékin avec le président de la Commission européenne Barroso pour le sommet euro-asiatique de l’ASEM, qui réunit les dirigeants de 45 pays d’Asie et d’Europe. Si l’Inde a déjà fait connaître sa disponibilité pour participer pleinement aux sommets sur le nouveau Bretton Woods, les dirigeants Chinois pourraient également s’engager dans ce sens.
Selon Les Echos, « Hu Jintao, le président chinois, a d’ailleurs eu une conversation téléphonique, mardi, avec George Bush, qui ne déborde pas d’enthousiasme pour les projets radicaux de Nicolas Sarkozy. Rien n’a filtré de cette conversation ».
Pourtant, après sa rencontre avec Bush, Sarkozy avait affiché son volontarisme en affirmant que « personne ne pourra prendre la responsabilité de faire échouer ces sommets ».
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