En matière diplomatique, Zbigniew Brzezinski est un porte-parole de premier plan de l’establishment anglo-américain, ainsi que le mentor de la secrétaire d’Etat Madeleine Albright. Dans des articles publiés dans le journal américain The National Interest (été et automne), Brzezinski esquisse une stratégie pour relever les défis que posent l’Europe et la Russie à l’hégémonisme anglo-américain.
Sous le titre « Vivre avec une nouvelle Europe », Brzezinski affirme que le vieux continent, malgré sa puissance économique, « est de facto un protectorat des Etats-Unis. (...) Il est non seulement établi que l’alliance entre l’Amérique et l’Europe est inégale, mais il est aussi vrai que l’asymétrie de pouvoir entre les deux devrait probablement s’accentuer encore davantage au profit de l’Amérique ». La vigueur du « boom » économique et la dynamique de « l’innovation technologique » aux Etats-Unis ne peuvent être égalées par l’Europe, même collectivement.
Par conséquent, « les Etats-Unis devraient rester la seule véritable puissance mondiale pour au moins la prochaine génération », ainsi que « la puissance dominante de l’alliance transatlantique pour le premier quart du XXIème siècle ». Les dirigeants américains ne devraient pas, selon lui, exiger avec insistance la « soumission » totale de l’Europe à la domination américaine (même si tel est leur idéal), car ceci créerait trop de « ressentiments » et pousserait « les Allemands et les Britanniques dans les bras des Français ». Brzezinski observe qu’il pourrait y avoir des scénarios de « conflits sociaux dans une province européenne », nécessitant le déploiement de forces militaires européennes, par exemple en Corse et en Roumanie, et un tel déploiement révélerait les limites des capacités européennes en matière politico-militaire.
Concernant la Russie, Brzezinski estime qu’« à la différence de l’Allemagne et du Japon, la Russie n’a été ni occupée ni soumise à la rééducation politique des vainqueurs de la Guerre froide ». L’Ouest, et avant tout les Etats-Unis, devraient diminuer leur engagement vis-à-vis de la « Russie officielle » et plutôt concentrer leurs efforts sur la « prochaine génération de dirigeants », faisant en sorte qu’ils ne gardent plus qu’un « souvenir distant » de ce que fut la Russie. L’Ouest devrait créer « un environnement qui décourage tout effort russe pour remonter le cours du temps géopolitique », ainsi que « toute illusion et nostalgie » quant au statut de grande puissance qu’elle avait jadis.