Deux des fonds spéculatifs de Bear Sterns ont perdu plusieurs milliards de dollars qui leur avaient été prêté pour jouer par les plus grandes banques
(Nouvelle Solidarité) Comme nous l’avons montré à de nombreuses reprises, le secteur des hedge funds est en tête de liste des espèces en voie de disparition du monde financier. Pour l’instant, l’attention est rivée sur Bear Stearns, dont deux de ses fonds spéculatifs sont sur le point de couler. La banque entend les renflouer à l’aide de 3,2 milliards de dollars de prêts d’urgence. Grâce à cela, elle espère, d’une part, éviter que les créanciers saisissent et vendent les avoirs des fonds et, d’autre part, empêcher ces faillites de déclencher un effondrement systémique du système financier mondial.
Il s’agit du plus grand renflouement depuis septembre 1998, lorsque le gouverneur de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, avait coordonné à l’époque un plan de 3,6 milliards de dollars pour sauver le fonds Long Term Capital Management, avec l’aide du Comité de protection contre les plongeons (formellement, la Commission présidentielle sur les marchés financiers). Apparemment, ce même groupe s’active aujourd’hui chez Bear Stearns.
Voyons l’origine du problème. Les deux hedge funds de Bear Stearns - le High Grade Structured Credit Enhanced Leverage Fund (HGSCELF) et le High-Grade Structured Credit Fund (HGSCF) - ont investi dans des titrisations synthétiques exotiques à haut risque (CDO en anglais). Ces titres ont été à leur tour investis pour la plupart dans des obligations adossées à des crédits hypothécaires, notamment celles à risque (sub-prime). Les deux fonds ont emprunté 9 milliards de dollars auprès des plus grandes banques commerciales et d’affaires au monde, dont Merrill Lynch, JP Morgan Chase, Citigroup, Deutsche Bank et Lehman Brothers. Tous deux, mais surtout le HGSCELF, ont ensuite transformé ces 9 milliards de dollars de CDO, grâce à l’effet de levier, en 29,7 milliards qui ont servi à l’achat de titrisations synthétiques liées au marché hypothécaire résidentiel. Entre-temps, nous avons assisté à la chute du marché hypothécaire sub-prime, et les deux fonds en sont pour leurs frais, ayant perdu des milliards de dollars.
En échange des prêts accordés par les banques, les deux fonds leur ont donné des CDO en garantie. Face aux difficultés grandisssantes, Lehman Brothers, l’un des créanciers mineurs, a saisi ces titres pour les mettre en vente - n’en tirant que 50 cents pour un dollar. Les investisseurs n’étaient pas prêts à les payer plus cher. Merrill Lynch, qui aurait déjà vendu pour 100 millions de dollars de CDO de meilleure qualité, menace maintenant d’en vendre pour 825 millions.
Si ces CDO ne rapportent que 50 %, on peut supposer que tous les autres titres adossés à des crédits hypothécaires à risque ne valent pas plus. Non seulement Bear Stearns, mais toutes les autres institutions financières détentrices seraient donc obligées de dévaluer de moitié leurs porte-feuilles. Or ce secteur, représentant bien plus de 1000 milliards de dollars, constitue un élément important de la bulle financière. Sa chute déclencherait une réaction en chaîne, par exemple sur le marché des titres adossés à des produits dérivés de crédit. Rappelons que l’ensemble du marché des dérivés dépasse les 750 000 milliards de dollars.