8 Juillet 2008 (Nouvelle Solidarité) – Crise alimentaire, crise des ressources énergétiques. A l’opposé des hésitations impuissantes de bon nombre de dirigeants du G-8, la Russie, par la voix de Sergeuï Kirienko, directeur général de la société russe Rosatom, propose, comme nous l’avons fait ici, une « renaissance » de l’atome.
Dans une tribune publié dans la presse allemande, mais aussi dans Les Echos en France, Kirienko développe les propositions économiques et scientifiques russes pour y parvenir :
« Face à cette crise, s’offre à nous l’option de l’énergie nucléaire. Si elle ne peut pas, évidemment, constituer la seule solution, elle peut incontestablement permettre de résoudre un grand nombre de problèmes. Des problèmes environnementaux, en premier lieu. Ainsi, chaque année, les centrales nucléaires permettent à l’Europe d’économiser 700 millions de tonnes de CO2, tandis qu’au Japon ce chiffre s’élève à 270 millions. En Russie, la part de l’énergie nucléaire devra passer en 2030 de 16 % à 25-30 %. La construction de nouvelles centrales permettra ainsi à notre pays de réduire de 10 à 15 % ses émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas là une simple déclaration d’intention, mais une décision concrète de l’Etat russe, accompagnée de financements effectifs adéquats. »
En complémentarité avec les EPR français, la Russie conçoit bien les avantages d’unités plus petites :
« Jusqu’à présent, l’industrie nucléaire poursuivait comme objectif premier l’augmentation de la puissance de ses centrales, privilégiant les gros réacteurs par ailleurs difficilement compatibles avec les besoins énergétiques des pays en voie de développement. Aujourd’hui, cette industrie nucléaire propose enfin sur le marché des réacteurs à moyenne ou faible puissance, adaptés et adaptables qui permettent de donner l’impulsion au développement d’un grand nombre de pays aux réseaux énergétiques insuffisants. »
Ensuite, et en particulier pour permettre le doublement de la production alimentaire mondiale, la question de l’eau est mise au centre des préoccupations : « Un autre avantage du nucléaire est sa capacité à générer l’énergie conjointement au dessalage des eaux, ce qui permet de résoudre la double problématique énergétique et d’approvisionnement en eau. Le déficit en eau potable pourrait d’ailleurs devenir l’objet d’un enjeu et d’une crise encore plus graves dans le domaine alimentaire mondial, si rien n’est fait pour en faciliter l’accès, tant pratique qu’économique. »
« Ainsi, la caractéristique majeure du changement que nous vivons tient au fait que l’économie de chaque pays repose désormais sur l’accès aux ressources énergétiques les plus sûres et les moins chères possibles. Cette condition sine qua non de développement nous conduit à renforcer l’utilisation civile de l’énergie atomique. Ce que l’on appelle aujourd’hui la « renaissance atomique » est bien réelle : les pronostics les plus réservés prévoient en effet la construction de 600 nouvelles centrales d’ici à 2030, alors qu’on en compte actuellement 435. »
Pour permettre cette renaissance du nucléaire, un combat politique reste à gagner et la Russie avance également des propositions dans ce domaine : « Dans ce contexte, il est important de dépasser un cadre restrictif pour, d’une part, reconnaître le droit à tout pays d’utiliser l’énergie atomique à des fins civiles et, d’autre part, exiger le respect des normes de sécurité et des garanties de non-prolifération. Dans ce contexte, la Russie se présente non seulement comme l’initiatrice de la mise en place d’un nouveau système de développement de l’industrie nucléaire, mais aussi comme la créatrice des mécanismes réels garantissant la non-prolifération des armes atomiques. Nous avons, à de multiples reprises, plaidé pour la création de centres internationaux fournissant des services liés au cycle de la combustion nucléaire qui permettraient à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) d’exercer l’indispensable contrôle sur la sécurité de l’utilisation du fuel. Ainsi, par exemple, avons-nous créé un centre de ce type à Angarsk, en Sibérie.
Le nécessaire développement de l’énergie nucléaire civile serait accéléré par l’oubli des stéréotypes politiques du passé, afin de supprimer en Europe et en Amérique les barrières qui ne sont plus celles du marché. Ces barrières furent autrefois créées pour défendre les productions nationales dans un contexte de surproduction du combustible nucléaire. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de faire face à une surproduction, mais à un déficit ! Un autre signal politique fort et clair serait, par ailleurs, de sensibiliser les institutions financières afin qu’elles ne subissent plus la pression d’organisations civiles radicales mais puissent enfin contribuer à l’essor de l’énergie nucléaire dans le monde. »
Et puisque le président Nicolas Sarkozy semble tellement s’ennuyer au G-8, il pourrait sans doute saisir l’occasion d’accorder les violons avec le président Medvedev sur cet enjeu majeur, car, comme conclut avec raison Kirienko : « Seule une approche internationale commune dans l’utilisation de l’énergie atomique, que nous proposons régulièrement à nos partenaires du G8 et à tous nos autres partenaires mondiaux, peut permettre de dépasser la crise actuelle et de faire face aux défis futurs. »
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