Nous reprenons ici un article fort pertinent de Mercy Ojovi, chercheur sud-africain en Gouvernance des Ressources Africaines à l’Institut d’Afrique du Sud des Affaires Internationales. Il fut publié le 27 octobre sur le site All Africa sous le titre « Comment la technologie spatiale dynamise la croissance africaine » et traduit de l’anglais par nos soins.
Le paysan désherbant à la main un champ au fin fond de la Tanzanie rurale semble une image hors du temps, à mille lieues du monde développé et interconnecté d’aujourd’hui.
Pourtant, les prévisions météo permettant au paysan de planifier son ensemencement, le téléphone mobile bon marché lui servant à consulter les prix avant de récolter, voire l’assistance gouvernementale qu’il pourra demander en cas d’inondation, tout cela dépend de la technologie spatiale.
Si une telle technologie paraît à des années-lumière de la vie de l’Africain moyen – des fusées aux stations orbitales, en passant par les satellites ou tout autre équipement aérospatial – elle est pourtant pertinente, tant pour les défis actuels du continent que pour ceux à venir.
Cette semaine, l’Ouganda réunit autour de ces questions spécifiques, des décideurs africains et des experts du spatial. Ainsi des praticiens de ces disciplines et de sciences en lien, tous intéressés par le potentiel des sciences spatiales pour la croissance africaine, ont été rassemblés par l’Association Africaine d’Observation Spatiale de l’Environnement.
Les nombreuses applications bénéfiques de ces sciences, qui incluent les domaines climatologique et météorologique, mais aussi la gouvernance concernant les ressources naturelles, l’agriculture, la santé, les réserves d’eau, la gestion des risques et la réponse aux catastrophes, sont sciemment reconnues par l’organisation intergouvernementale du Groupe sur les Observations Terrestres, ainsi que par son équivalent états-uniens.
Les données tirées des technologies spatiales peuvent guider les décideurs dans l’identification de zones menacées d’appauvrissement, d’inondations et d’autres risques, permettant des attributions de ressources ciblées, tout en optimisant l’utilisation, la planification et les modèles d’intervention dans nombre de domaines.
La sécurité alimentaire en Afrique et dans d’autres régions en développement demeure une question primordiale. En effet, maladies, insectes et mauvaises herbes causent la perte d’un quart des parcelles cultivées, avant même la récolte. La supervision phytosanitaire et la détection des pathogènes sont essentielles à l’endiguement des maladies. La technologie géospatiale permet la supervision des plants, ainsi que l’extraction des données nécessaires aux modèles de prévision et de répartition des maladies et nuisibles, le tout sur de grands espaces et à des coûts relativement bas.
En quelques années, le recours exponentiel aux sciences spatiales a ainsi accompagné les changements d’habitats, la dégradation de l’écosystème et la distribution des espèces, facilitant par conséquent divers efforts de conservation. Dans les secteurs du transport et de la sécurité, les équipements de géolocalisation, entre autres, facilitent, quotidiennement, un usage réduit du carburant, et en optimisent la fiabilité-sûreté.
La Commission de l’Union Africaine a été pionnière dans l’éducation aux technologies spatiales de ses États membres, au travers de plusieurs conférences et déclarations, dont les Déclarations de Dakar en 2002, de Maputo en 2006, de Lisbonne en 2007 et de Ouagadougou en 2010. L’organisme de l’Union pour le Suivi de l’Environnement et de la Sécurité en Afrique a été conçu pour associer les données spatiales et locales nécessaires à la gestion environnementale et alimentaire en Afrique, tant au niveau continental, que régional et national.
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- L’ observatoire spatial Entoto Observatory and Research Center en Éthiopie. Le lancement de son propre satellite est prévu pour les prochaines années. Objectif : surveiller les terres agricoles et améliorer les télécommunications.
Bien que l’on note un développement réel des agences spatiales et autres institutions connexes en Afrique ces dernières années (citons l’Agence Spatiale d’Afrique du Sud, l’Autorité Nationale pour l’Observation et les Sciences Spatiales d’Égypte, le Centre National d’Observation Spatiale de Tunisie, l’Agence Nationale pour la Recherche et le Développement Spatial du Nigéria, et le Centre Royal d’Observation Spatiale du Maroc), un potentiel plus vaste – et de grands besoins – subsistent pour une expansion spatiale de l’Afrique.
Il est regrettable de constater que ce potentiel spatial demeure sous-développé, en raison de limitations en termes de financement, d’expertise, d’infrastructure, d’équipement et d’éducation. Nombre des initiatives spatiales africaines dépendent des investissements étrangers. De plus, les scientifiques et analystes de données satellitaires doivent s’en remettre à des données d’États non africains, ce qui est préjudiciable, dans la mesure où ces données sont rarement la priorité des programmes qui les génèrent. Enfin les obstacles bureaucratiques continuent de gêner le potentiel spatial du continent. Des équipements africains garantiraient le recueil et l’analyse de données en continu.
La création d’une Agence Spatiale Africaine, opérant à l’échelle du continent, est un objectif ambitieux, mais propre à répondre aux défis du développement africain. La technologie spatiale, rarement prioritaire aux yeux de l’opinion, est un vecteur majeur du développement de nos sociétés, mais elle nécessite bien plus de coopération et de financement si elle doit exprimer tout son potentiel au service du développement de l’Afrique.
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