Paradoxalement, la paralysie prolongée des chrétiens démocrates (CDU), le plus grand des partis conservateurs d’Allemagne, a considérablement renforcé, au niveau national, la position d’Edmund Stoiber, président du parti frère de la CDU en Bavière, l’Union chrétienne-sociale. En Bavière, la CSU jouit d’une solide majorité absolue, ce qui signifie 10 % de tout l’électorat allemand. Stoiber, qui est aussi ministre-président du Land bavarois, est apparu ces dernières semaines comme étant de fait le dirigeant national de l’opposition de droite au gouvernement social-démocrate à Berlin.
Bien que les prochaines élections nationales pour le Bundestag soient prévues pour l’automne 2002, Stoiber est dès aujourd’hui le principal challenger du chancelier social-démocrate Gerhardt Schroeder. Et ce dernier l’a effectivement reconnu comme le « candidat informel à la chancellerie pour les chrétiens démocrates ».
La politique hésitante de Schroeder a produit un mécontentement politique grandissant dans la population allemande et les scandales de la CDU ne pourront pas éternellement voiler la faiblesse de Schroeder. D’un côté, le chancelier est intervenu en novembre dernier pour empêcher l’effondrement de la société de BTP Holzmann et a critiqué le rachat hostile de Mannesmann par Vodafone, mais de l’autre, il a fortement favorisé les promoteurs de la mondialisation et des méga-fusions dans le secteur bancaire. Ceci a offert à Stoiber une chance unique de se profiler comme le défenseur de la mittelstand (PME-PMI) allemande, des travailleurs et ingénieurs qualifiés et des agriculteurs qui sont les victimes du « court-terme » et de l’euphorie boursière. Stoiber se présente aussi comme le promoteur des technologies productives avancées et des projets d’infrastructure.
Le discours qu’il a tenu au traditionnel événement du mercredi des cendres à Passau, le 8 mars, est très révélateur. Après avoir appelé les chrétiens-démocrates à cesser de se complaire dans l’autoflagellation et à revêtir au contraire leur « tenue de combat » pour la lutte contre le gouvernement Schroeder, il a affirmé que l’Allemagne « n’a besoin ni de l’"American Way" ni d’une quelconque "Troisième voie" vaguement définie - notre économie de marché sociale a fait ses preuves ». Stoiber s’en est vivement pris à la « réforme » fiscale du gouvernement qui, selon lui, désavantage les catégories de population active à bas salaires et les « mittelstand » mais profite aux grandes sociétés financières, entre autres la compagnie de l’assurance Allianz et la Deutsche Bank. Il a précisé que l’enthousiasme avec lequel le secteur bancaire et des assurances a accueilli les exonérations d’impôts prévues pour les ventes d’actions industrielles montrait « de quel côté le gouvernement se trouve ». Les sociaux-démocrates « ont vendu le mouvement ouvrier » et, en même temps, leur ancienne base parmi les mittelstand », a accusé Stoiber.
Il a aussi attaqué le gouvernement Schroeder pour sa soumission au supranationalisme de l’Union européenne, insistant sur le fait que le principe d’Etat-nation souverain n’a pas été rendu superflu par les accords de Maastricht et d’Amsterdam. Stoiber a annoncé une initiative de la CSU pour faire circuler en Allemagne une pétition sur les principes de la politique de l’Union européenne, qui réaffirmerait que l’Union européenne est une union d’Etats-nations souverains n’ayant elle-même que des pouvoirs limités. « Certaines choses qui sont arrivées avec l’[introduction de] l’euro ne devraient jamais se reproduire », a déclaré Stoiber, ajoutant que les médiocres performances de l’euro avaient fait baisser le soutien populaire dont il jouissait en Allemagne.
Tout référendum sur la politique européenne a été rendu impossible par le précédent gouvernement du chancelier Helmut Kohl, entre la signature du traité de Maastricht en février 1992 et sa ratification par les gouvernements de l’Union européenne en mars 1998. Cette politique n’a pas été défiée ni mise en doute par le gouvernement Schroeder qui est arrivé au pouvoir en octobre 1998. Mais Stoiber a appelé à la tenue d’un référendum en Allemagne sur « toute décision importante » de l’Union européenne, précisant que cela ne nuirait en aucun cas au concept fondamental de l’intégration européenne, pas plus qu’il n’a été nuisible pour les populations du Danemark, de France et d’Autriche de tenir des référendums sur les accords de Maastricht-Amsterdam avant mars 1998.