Par Jeffrey Steinberg
Alors que le système financier mondial est sorti de tout contrôle, de l’aveu même de certains de ses plus grands défenseurs, une stratégie de chaos se répand aux quatre coins du monde : Pakistan, Kenya, Thaïlande, Asie du Sud-Ouest. Nous nous battons pour l’alternative.
Le 7 janvier 2008 (LPAC) — L’ancien président de la Réserve fédérale, Sir Alan Greenspan, a fait des aveux éloquents le 27 décembre 2007, lors d’une interview à National Public Radio. A la veille du Nouvel an, il a reconnu que ce système financier et monétaire mondial, qu’il a tant contribué à façonner pendant les vingt ans (1987-2006) qu’il a passés à la tête de la banque centrale américaine, est bel et bien fini.
« Ce que je dois prévoir, déclara ce grand promoteur d’instruments financiers « exotiques », c’est que quelque chose d’inattendu va arriver et nous mettra à terre. (...) Les chances que cela arrive augmentent, car nous entrons dans des zones vulnérables ». Plus tard, il revint à la charge : « Nous sommes dans une phase de changement, et les améliorations extraordinaires [qu’a connues] l’économie mondiale ces quinze dernières années sont transitoires et vont changer. (...) Je pense que tout ce processus va commencer à s’inverser. »
Et encore, Sir Alan minimise l’ampleur du krach financier, qui est entré dans une nouvelle phase au début de l’année. Au point où nous en sommes, il n’existe aucune solution « monétaire » à la crise, il faut réorganiser tout le système, suivant les lignes d’un nouveau Bretton Woods.
Alan Greenspan n’est pas le seul à répandre la morosité ces dernières semaines. Ambrose Evans-Pritchard, un pion du renseignement britannique et correspondant financier du Daily Telegraph de Londres, publie depuis des mois des articles étonnamment lucides sur le krach financier.
Jacques Attali se fait, quant à lui, encore plus alarmiste dans L’Express du 3 janvier : « C’est le monde entier qui semble aller au précipice. Comme si se préparait la collision de trains lancés à vive allure », écrit-il.
Il est vrai qu’on estime à 1500 milliards de dollars la quantité d’actifs bancaires qui ont dû être épongés ces derniers mois, tandis qu’au moins autant de capitaux se sont volatilisés sur les marchés boursiers du monde. L’idée que les banques centrales puissent y remédier par des injections de nouvelles liquidités est absurde. Comparés aux crises prévues pour le premier semestre 2008, avec l’explosion du secteur des assurances et des produits dérivés, les désastres de 2007, notamment l’éclatement de la bulle hypothécaire américaine, paraîtront anodins.
C’est uniquement dans ce contexte que l’on peut comprendre la vague d’assassinats, de conflits ethnico-religieux et de chaos qui se répand dans le monde.
Il ne s’agit pas d’événements locaux ou régionaux. Tous font partie d’une même stratégie britannique, ayant un objectif global précis : la destruction des Etats-nations, le lancement d’une guerre asymétrique mondiale pour plusieurs générations et la consolidation de la mainmise des cartels anglo-hollandais sur les matières premières stratégiques du monde. Les historiens y reconnaîtront le modèle type de guerre oligarchique, où une élite se sert d’armées privées pour éliminer toute résistance à son pouvoir.
Certains lecteurs objecteront sans doute que Londres n’est plus une puissance impériale et n’a plus les moyens de déclencher un chaos global. L’élite britannique elle-même s’efforce de faire croire que « le soleil s’est couché depuis longtemps sur l’empire britannique » et que ce sont les Etats-Unis qui constituent aujourd’hui la principale puissance impériale. Au mieux, l’épicentre du pouvoir serait un duo « anglo-américain », dirigé par Washington et secondé par Londres. Mais en réalité, il n’y a qu’un système impérial traditionnellement britannique, qui compte aujourd’hui toutes sortes d’adhérents et d’agents à Washington, Wall Street, etc., qui sont des traîtres à la tradition américaine historique.
De ce point de vue, la forme actuelle de l’empire britannique « invisible » n’est pas si difficile à discerner.
Tout d’abord, presque tous les centres financiers offshore qui dominent le système dérégulé et mondialisé actuel sont situés dans des colonies britanniques ou hollandaises, comme les îles Caïman, les Antilles néerlandaises, l’île de Man, les Bahamas, etc.
Deuxièmement, depuis des décennies, l’entreprise de mercenaires est essentiellement britannique : des sociétés privées comme Executive Outcomes, Sandline, Defence Systems Ltd travaillent main dans la main avec les cartels de matières premières stratégiques qui possèdent la plus grosse part des métaux précieux d’Afrique, d’Australie et d’Amérique du Sud.
Les méthodes de contre-insurrection, mises au point aux plus beaux jours de l’empire britannique, sont encore appliquées par des agents clandestins et d’« anciens » officiers, opérant désormais à titre privé. Parallèlement, certains agents américains de l’empire, comme George Shultz et Felix Rohatyn, promeuvent la privatisation de la sécurité nationale aux Etats-Unis.
Troisièmement, le Commonwealth, dirigé par la reine Elisabeth, est composé de cinquante-trois pays à travers le monde, constituant un cinquième de la masse terrestre et un fort pourcentage de ses ressources stratégiques et de sa population. Se présentant formellement comme une alliance d’Etats indépendants, le Commonwealth fut fondé à la fin du XIXème siècle pour perpétuer l’empire britannique.
C’est cet appareil qui est à l’oeuvre pour provoquer conflits et chaos. Comme il est impossible de « réformer » le système financier actuel et que les intérêts financiers oligarchiques n’accepteront jamais de se soumettre volontairement à une mise en redressement judiciaire, ni de permettre aux nations de rétablir leur souveraineté sur leur monnaie et leur politique de crédit, ils ont recours au chaos.
L’oligarchie financière de Londres cherche à tout prix à provoquer des conflits entre les grandes puissances du monde - Etats-Unis, Russie, Chine et Inde - car si elles le voulaient, ces quatre forces, soutenues par d’autres pays plus petits, pourraient mettre en place un nouvel ordre financier plus juste, éliminant le pouvoir des centres offshore.
Dans les années 1920 et 1930, c’est dans des conditions d’effondrement financier et économique beaucoup moins graves que l’oligarchie anglo-hollandaise finança la montée du fascisme et du nazisme en Europe, provoquant la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle veut empêcher, coûte que coûte, le retour en force de la tradition rooseveltienne, dont Lyndon LaRouche est le porte-drapeau.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’assassinat de Benazir Bhutto au Pakistan et de nombreux autres « points chauds » dans le monde.